La repentance est à la mode. S’excuser est devenu le bon truc! Un blanc-seing, un passeport médiatique, un argument juridique…
Ces mea-culpa exigés en permanence sont un résidu actualisé de l’acte de contrition qui a bercé les leçons de catéchisme. Trois Pater et deux Avé, et un petit acte de contrition: la sanction de la confession pour avoir avoué ses péchés, et hop ! On repartait du confessionnal avec l’âme chromée nickelée. Et pour les péchés véniels, plus aucun remord. De plus, le confesseur, sous la foi du secret, vous garantissait l’absolution complète. Petits, on inventait même des péchés pour avoir l’air très rigoureux avec soi-même.
Voilà que c’est devenu une nouvelle mode, où le confesseur public est incarné par les médias accusateurs. C’est ainsi que le président de la République aurait dû s’excuser par rapport au coronavirus et aux vaccins… comme Angela qui en la circonstance porte bien son nom.
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Personne ne peut croire une seconde que ces flots d’excuses à tout propos, contiennent de vrais regrets et de « fermes résolutions de ne plus pécher et de faire pénitence ».
Une époque propice à la repentance
Il s’agit là plutôt d’une bonne occasion d’éviter des reproches mérités ou pas. Que vous soyez coupable ou pas, il faut s’excuser. Mauvais calcul d’ailleurs, puisqu’aussitôt après on ne manque pas de signaler que ces excuses valent des aveux. J’ai moi-même il y a quelques années refusé de m’excuser d’une phrase dite à la radio et « détachée de son contexte ». M’excuser aurait signifié que j’avais donné à cette phrase un tout autre sens, celui-là condamnable. Mais refuser d’avouer ce qu’en son âme et conscience n’est en aucun cas condamnable, est pire que la phrase elle-même qui tourne en boucle… Audrey Pulvar est tombée dans le bain de la cacophonie indignée, elle a expliqué… mais tout le monde s’en fiche : amalgame et excuses voilà la recette de la cuisine médiatique.
Nous en sommes au stade où l’Histoire elle-même doit demander pardon au nom des opprimés de jadis. C’est une Histoire revue et corrigée avec bonne conscience à peu de prix et avec l’injuste regard d’aujourd’hui. Rien n’échappe à la repentance nationale : guerres, personnages disparus, œuvres d’art… ce qui donne l’occasion de cérémonies nationales qui loin d’apaiser des drames réels, les remettent au goût du jour et provoquent un sentiment de haine à retardement et de divisions dont justement nous ne voulons plus.
La prise de conscience d’un pays qui s’est mal comporté à un moment de l’Histoire et la rectification de comportements du passé suffit: il n’y a plus personne à punir ni à pardonner.
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Comme d’habitude la France ne fait pas les choses à moitié et nous sommes prêts avec une certaine jouissance à tomber dans le complexe de culpabilité chronique: intersectionnalité, Woke, devoirs de réparation envers les minorités de préférence visibles auxquelles nous n’avons rien fait, mais que l’Histoire a mal traitées. Il faut faire payer le passé…
Retour au temps présent
C’est pourtant déjà assez dur de maîtriser le présent ! Menaces de procès, accusations lourdes…
Quoique l’on pense de la gestion d’une pandémie incompréhensible, des errances admiratives ou des retards de vaccins, de la nullité de certains « responsables pas coupables », il est très curieux de vouloir voir tomber à genoux au yeux du monde, notre président de la République (c’est toujours le nôtre), et jouir de l’entendre « avouer » qu’il a été incompétent ou qu’il s’est trompé… surtout s’il a l’impression d’avoir plutôt fait de son mieux, ce dont personne ne peut douter ne serait-ce que parce que réussir est un atout fondamental pour sa potentielle réélection. C’est déstabilisant et inutile y compris pour notre moral !
Alors qu’Angela Merkel s’excuse, est une affaire entre elle et sa conscience et la perception du peuple allemand, qui n’a pas ce même rapport avec le pouvoir .
Il faut aussi savoir qu’en France s’excuser et reconnaître une erreur, est la porte ouverte à toutes les dérives politiques, à toutes les insultes des oppositions, voire à une demande de démission du chef de l’État ! Une grave atteinte à l’autorité de l’État, dont franchement on peut se passer en ce moment.
Les Français ont besoin de croire que celui qui nous gouverne en ce moment fait de son mieux. En revanche, que celui-ci prenne conscience publiquement des atermoiements de ses administrations, de la lenteur d’application des consignes, de la pléthore de commissions inutiles… du pouvoir de dire non des fonctionnaires apeurés, du manque de confiance en nous et dans les entreprises, alors là : oui ! On aimerait un aveu de cette prise de conscience d’inefficacité, avec effet immédiat de corrections des process, bref du concret. Mais pitié ! Pas d’excuses, on a mieux à faire…
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