L’actualité judiciaire est extraordinaire. Elle a un sens aigu des contrastes, un art inouï de la composition. Elle met face à face la justice du pouvoir et le pouvoir de la justice.
A un jour près, Philippe Courroye (PC) et Renaud Van Ruymbeke (RVR) ont été confrontés, chacun, à une épreuve difficile.
Le premier a été entendu à Bordeaux par le juge Gentil durant plusieurs heures au sujet de l’affaire Bettencourt, pour déterminer si des pressions ont été exercées par l’Elysée, si des connivences douteuses ont pu exister entre le procureur de Nanterre et l’ancien président de la République.
L’ancien conseiller justice du président Sarkozy, Patrick Ouart, lui-même convoqué, avait, dans la transcription des écoutes clandestines Bettencourt, choqué en violant l’équité entre les parties dont l’une était scandaleusement favorisée, notamment par l’annonce anticipée d’une décision. Le rapport étroit entre P. Ouart et PC, entre Nicolas Sarkozy et le même était évidemment de nature à susciter les plus vives inquiétudes sur le fonctionnement de cette justice-là.
PC a été nommé avocat général à la cour d’appel de Paris. Christiane Taubira a vu sa démarche validée après avoir été contestée par l’intéressé.
« Il est vrai que Courroye téléphonait en direct à Nicolas Sarkozy. Mais il ne recevait pas d’ordre, il devançait ce qu’il pensait être la volonté du président, espérant toujours être nommé procureur général à Paris ». C’est ce qu’affirme un ministre de l’ancien gouvernement (Le Figaro).
La justice du pouvoir. La justice telle qu’elle a été.
D’hier à aujourd’hui, une évolution, un progrès. La similitude chronologique entre ces deux moments forts de la vie judiciaire – PC à Bordeaux, RVR à Paris – pourrait occulter la considérable différence entre ces deux magistrats et la perception qu’on a d’eux.
Le premier, brillant, intelligent, sûr de soi, autarcique n’a été soutenu par personne, il a été désavoué par certains et, pour parler clairement, ses actions et ses abstentions à Nanterre n’ont pas fait honneur, pour certaines, à la magistrature.
Le second, au contraire, passe pour la plupart de ceux qui ont des lumières sur les compétences et l’intégrité des magistrats pour notre plus grand juge d’instruction. Sa force et son intelligence opératoire et efficace lui ont permis, surtout, de maîtriser un pouvoir qui offre une redoutable volupté quand on le laisse se dégrader en abus. Il ne s’est jamais laissé gouverner par la vanité des grandeurs et des mondanités de toutes sortes.
Détesté par notre ancien président qui savait flatter PC, il obtiendra justice, je l’espère, du CSM le 17 octobre.
Mais comment sera la justice de demain ?
*Photo : Kaptain Kobold.
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