Aujourd’hui, après la révélation du Parisien selon laquelle François Hollande se serait laissé aller à qualifier le Président de la République de « sale mec » devant quelques journalistes, la rumeur enfle : et si le syndrome Jospin[1. Lors de la campagne de 2002, Lionel Jospin avait confié à des journalistes en off qu’il trouvait Jacques Chirac, vieilli, usé et fatigué. Une fois sa sortie éventée, le candidat s’était obligé à un mea culpa public, ce qui n’avait rien arrangé. Cet épisode avait été considéré comme l’une des causes de la chute de la maison Jospin.] atteignait Hollande ? D’un autre côté, on n’imagine pas Nicolas Sarkozy évoquer ses adversaires en des termes plus aimables. On se rappelle aussi des moqueries dont le Président de la République en exercice, Jacques Chirac, fut victime en son temps, notamment en raison de sa passion pour le sumo. Bref, Hollande a plutôt du retard sur Sarkozy sur le terrain de l’invective[2. Le même Parisien indiquait il y a quelques jours que Nicolas Sarkozy avait traité Nicolas Dupont-Aignan « d’imbécile ».] et ceux qui l’attaquent sur ce point nagent dans le ridicule.
C’est notamment le cas de Sophie de Menthon, dirigeante d’entreprises, membre éminente du Conseil économique et social et polémiste à RMC, qui a jugé inacceptable la saillie hollandaise. Il semble pourtant que la notion d’acceptabilité, chez Madame de Menthon, ne recouvre pas les frontières qu’on lui connaît habituellement. Que pèsent ces propos de campagne électorale à côté des pratiques personnelles de cette chef d’entreprise ? Qu’une personne se vante ouvertement de délocaliser des centres d’appels téléphoniques, parce qu’en France, ça coûte trop cher, on commence à être habitué. Qu’une telle personnalité soit membre du conseil économique et social, en revanche, devient problématique.
Mais Sophie de Menthon ne s’arrête pas là. Elle a aussi récemment défendu les entreprises occidentales qui font travailler des enfants en Chine ou ailleurs, assurant qu’il fallait se montrer pragmatique, sans quoi, finalement, « ces gosses retourneraient dans le ruisseau ». Que le lecteur incrédule visionne la vidéo, où la Présidente du mouvement Ethic -ça ne s’invente pas- profère de telles déclarations, et se rende compte par lui-même de ce que Sophie de Menthon trouve, quant à elle, acceptable. Il ne viendrait pas à l’idée à cette grande avocate du « fier d’être de droite »[3. Y a t-il en ce bas monde chose aussi méprisable que la droite affairiste, à part la gauche sociétale ?], d’imaginer qu’une multinationale a largement les moyens de payer ce qu’il faut à ses ouvriers chinois pour que leurs enfants puissent aller à l’école – et non à l’usine. Le pragmatisme qu’elle porte en étendard rappelle le réalisme de ceux qui s’opposaient à l’abolition de l’esclavage et du travail des enfants aux XIXe siècle.
On imagine bien volontiers qu’il serait, à ses yeux, inacceptable d’établir des barrières douanières afin de lutter contre ce moins disant social. Ainsi va le monde selon Madame de Menthon. Si j’étais le candidat Sarkozy, je me dépêcherais de lui demander de se faire plus discrète. Car, avec pareille avocate, il est possible que beaucoup d’électeurs soient tentés de ne pas croire à une candidature qui se prétend au service de l’emploi « made in France ».
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