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Cosey, héros discret du festival d’Angoulême


Cosey, héros discret du festival d’Angoulême
Le dessinateur suisse Bernard Cosendey, alias Cosey. janvier 2018. Photo: JOEL SAGET / AFP

Le mois de janvier est le nouveau marathon culturel de l’année. Il a supplanté septembre. Entre les vœux, les galettes et le cidre fermier, la machine éditoriale tourne à plein régime. Les auteurs qui boudent l’automne reprennent du poil de la bête en tout début d’année. La course à échalote peut commencer avec son lot de récidivistes. Ils seront trois ou quatre écrivains à truster les plateaux de télé et à rafler la mise. Les autres auront le sentiment d’un fric-frac prévu d’avance et d’une injustice supplémentaire. L’économie du livre ne peut se permettre de laisser le champ libre aux « artistes » et aux inconscients. Aujourd’hui, on a plus besoin d’un contrôleur de gestion que d’un correcteur orthographique pour assurer le succès d’un bouquin. Avec la fin de la grammaire et l’abandon du style, le roman entre dans l’empire du Chiffre.

Cosey, l’œil du cyclone

Dans ce jeu de dupes, la bande dessinée, où la concurrence fait trembler les cases, tente de maintenir son rang de 9ème art. Le 45ème festival international d’Angoulême réunit toute sa famille du 25 au 28 janvier. Avec un marché saturé de nouveautés, la BD s’adapte tant bien que mal à cette mondialisation en répondant à une demande de plus en plus éclatée. Il y a des BD pour tous les âges, pour tous les publics, pour toutes les sensibilités avec le risque d’y perdre son innocence et son originalité. La télévision en se démultipliant à l’infini, en offrant des programmes pour les chasseurs, les hardeurs ou les « bikeurs » a simplifié son message. Cette hyperspécialisation a entraîné une uniformisation du propos et une standardisation des émotions.

Dans ce vacarme, les organisateurs ont eu l’excellente idée de mettre à l’honneur le Suisse Cosey. En 2017, il a décroché le Grand Prix du festival. Cette année, une rétrospective intitulée « Une quête de l’épure » lui est consacrée à l’hôtel Saint-Simon. Il signe également l’affiche. Depuis 40 ans, Cosey trimbale son vague-à-l’âme dans l’Himalaya, en Birmanie, au Japon, dans une Amérique sauvage ou sur l’axe Saïgon-Hanoï. Avec la série Jonathan dont l’intégrale Tome 6 sort cette semaine aux éditions Le Lombard, il s’inscrit dans la catégorie des écrivains-voyageurs. Son dessin contemplatif ouvre les vannes du souvenir. Il laisse ses personnages souffler, il ne les brusque pas, il prend le temps de les comprendre.

Un préalable à l’imaginaire

Cosey, par esquisses, par pudeur aussi, ne charge jamais ses planches d’une action trop explosive. Il préfère filtrer une parole, s’arrêter sur un regard, croquer une attitude, ne pas étouffer l’atmosphère. Et puis, il y a chez lui ce rapport intime à la nature, presque onirique. Ses grands paysages en noir et blanc qui s’étalent, sa virtuosité dans les étendues où l’on sent vibrer les arbres et son empreinte mélancolique en font un auteur éminemment littéraire. Il révèle la psychologie des hommes en gardant le silence. Le bruit n’est pas l’allié de la vérité. Quel sentiment de plénitude enfin pour ses très nombreux lecteurs de s’abandonner dans ses aventures et ses mirages.

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Beaucoup de créateurs de BD travaillent en milieu clos, leurs histoires avancent à marche forcée, elles peuvent être parfaitement scénarisées, il leur manquera l’essentiel, la possibilité de s’y engouffrer, de s’imprégner, de simplement penser sans œillères. Cosey est le maître des interstices et des pauses. Enfin apaisé, plein de bienveillance et d’émerveillement, nous pouvons alors nous laisser bercer. C’est un préalable à l’imaginaire. Pour ceux qui ne connaissent pas encore son oeuvre, il faut se procurer d’urgence son dernier album Calypso paru chez Futuropolis, il y a trois mois à peine. Cosey est revenu en Suisse à bord d’un lac pour raconter une histoire entre deux vieilles personnes. Gus, un ouvrier sexagénaire qui gaspille sa santé sur des chantiers en plein air retrouve la trace de Georgia Gould, la star d’un film Calypso qui fascina les hommes durant des décennies. Avant son départ pour Hollywood, Gus a vécu avec cette fille un amour de jeunesse passionné et déchirant. Ses collègues ne le croient pas. Comment lui, cet anonyme, a-t-il pu fréquenter un mythe du cinéma ? Affaiblie quoique dotée d’un caractère hors-norme et d’un charme vipérin, Georgia est « enfermée » dans une clinique de luxe, l’Edelweiss. Gus et son camarade Pepe qui rêve d’ouvrir un restaurant à fondues à Barcelone, vont tenter de sauver cette belle prisonnière.

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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