Les annonces d’Edouard Philippe pour le plan de déconfinement sont très attendues. La surmortalité liée au coronavirus étant moins inquiétante que l’augmentation des demandeurs d’emploi ou l’état moral des entrepreneurs, chaque semaine supplémentaire de confinement doit être envisagée avec crainte.
Depuis le début de l’année, la pandémie du coronavirus occupe l’actualité. Malgré cette omniprésence, la couverture médiatique de l’épidémie n’aide pas à comprendre sa réelle ampleur. Le catastrophisme – qui est justifié dans le cas des drames individuels, de la situation dans les EHPAD et dans certains hôpitaux – domine.
Ce ton anxiogène masque cependant une dimension essentielle de la crise : si, grâce au confinement, le pire semble avoir été évité, la catastrophe est désormais davantage économique et sociale que sanitaire.
Les chiffres bruts qui nous sont assénés chaque jour ne signifient pas grand chose s’ils ne sont pas rapportés à la population. On entend ainsi que ce week-end, l’épidémie « a franchi la barre des 200 000 morts », mais aucun article ne nous rappelle qu’il s’agit en réalité de 0,0028% de la population mondiale. Le sida, par exemple, a encore causé 770 000 décès en 2018.
Les bons résultats du confinement
Les journalistes justifient souvent leur valeur ajoutée par l’analyse et la mise en contexte qu’ils apportent, ce qu’ils font rarement en rapportant les chiffres de la maladie. Ainsi, les États-Unis « sont le pays le plus touché», sans préciser qu’avec 164 décès par million d’habitants, ils étaient, le 25 avril, beaucoup moins affectés que la France (346), l’Italie (436) ou l’Espagne (490).
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À quelques exceptions près (Espagne, Lombardie, Ile de France, Grand Est), l’épidémie a été bien gérée par les systèmes de santé européens qui n’ont pas été débordés. Le confinement a très probablement fonctionné et, grâce à celui-ci, la surmortalité due au coronavirus est relativement faible.
Surmortalité française toute relative
L’INSEE vient de publier des chiffres, passés inaperçus, sans doute parce qu’ils ne vont pas dans le sens de la dramatisation ambiante.
« Au total, le nombre de décès survenus entre le 1er janvier et le 13 avril 2020 s’élève à 202 328 ; il est supérieur à celui enregistré sur la même période en 2019 (191 342) ou en 2018 (195 085) ».
Il s’agit, certes, d’une hausse de 5,7% par rapport à 2019 et de 3,7% par rapport à 2018. Mais, concrètement, cela signifie “seulement” 7 243 morts supplémentaires dans un pays de 67 millions d’habitants, soit 10,8 décès supplémentaires pour 100 000 habitants.
Normalement, pour ce genre de données, il est d’usage de comparer avec la moyenne des trois années antérieures. Curieusement, l’INSEE ne compare pas avec 2017, année qui a vu un fort épisode grippal, avec un excès de décès estimé à 21 200 personnes sur une période de dix semaines. À ce stade, il n’est donc pas encore possible de dire si la mortalité du coronavirus sera plus forte (même si c’est probable) que la grippe de 2017 d’autant plus que, toujours selon l’INSEE « le nombre de décès diminue au cours de la semaine du 11 au 17 avril par rapport à la semaine précédente en France et dans toutes les régions de France métropolitaine ».
Par ailleurs, « vingt-trois départements ont moins de décès enregistrés entre le 1er mars et le 13 avril 2020 que sur la même période de 2019 ». Maintenir ces départements aussi longtemps en confinement total et en quasi-arrêt économique pose question.
Les données d’Euro Momo
Ces données – provisoires, il faut le souligner – se retrouvent ailleurs en Europe et témoignent vraisemblablement du « succès » de la politique de confinement. Le réseau européen d’enregistrement de la mortalité, Euro MOMO, compile la surmortalité dans 24 pays participants au projet. Il y a bien un pic de surmortalité liée au coronavirus, mais la surmortalité cumulée depuis le début de l’année jusqu’au 20 avril serait de 25 552 personnes décédées en comparaison de 2018 (83 769 pour 2019).
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Il n’y a pas de surmortalité enregistrée chez les moins de 15 ans. Dans le groupe des 15 à 65 ans, elle ne serait, selon les données disponibles, que de 1 240 victimes sur l’ensemble des données transmises. La grande majorité des victimes ont plus que 65 ans et sont atteintes d’une comorbidité. C’est évidemment ces personnes, qui participent le moins à l’activité économique, qui devraient rester plus longtemps confinées.
Faute d’avoir été prévoyant, le gouvernement a été contraint d’imposer un confinement sévère à l’ensemble de la population. Il est maintenant tenté de prolonger les mesures au nom de la santé publique. Dans le même temps, chaque semaine perdue à relancer l’économie augmente le nombre de faillites, le chômage, la dette et le désespoir d’une partie de la population. Après l’absence de prévoyance, c’est l’excès de précaution qui risque de faire des dégâts considérables.
Les pays du nord et du centre de l’Europe, mieux préparés et moins touchés par l’épidémie, ont commencé le déconfinement avant la France. L’avenir dira si la Suède, en choisissant de ne pas boucler le pays et ses habitants, s’en sortira mieux que les autres. Dans une Union européenne en panne, le risque est grand d’accentuer un peu plus la fracture entre une Europe du nord raisonnablement endettée, disposant encore d’une industrie performante et une Europe du sud asthénique, déprimée et dépendant du bon vouloir de la BCE pour financer ses déficits abyssaux. D’autant plus que, pour équilibrer leur balance commerciale, la France, l’Italie et l’Espagne dépendent largement du tourisme international, qui sera l’une des dernières activités à redémarrer.
Vivre avec la maladie
Gouverner c’est prévoir. C’est précisément ce que plusieurs gouvernements européens n’ont pas su faire face au coronavirus. Prévoir, c’est anticiper la catastrophe économique sociale et par conséquent sanitaire, qui se profile et qui pourrait nous faire regretter chaque semaine supplémentaire de confinement strict.
Le 22 août 1914, en un seul jour, 27 000 soldats français perdaient la vie, pour rien, sous le feu des mitrailleuses allemandes. En 2020, ce genre de sacrifice semble absurde. 150 000 personnes meurent chaque année du cancer en France et autant de maladies cardiovasculaires. Près de 100 000 décès sont liés au tabagisme et à l’alcoolisme. 8 000 désespérés se suicident (80 000 tentent de le faire) et plus de 3 000 sont victimes d’accidents de la route. Tout en luttant contre ces fléaux qui sont autant de drames humains, la société accepte d’en payer le prix. Pour préserver notre prospérité et nos systèmes sociaux, ne faudrait-il pas en fait apprendre à vivre avec ce coronavirus ?
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