Continuera-t-on de présenter le système de santé français comme le meilleur du monde ? Le manque de masques et de tests témoigne d’une certaine impréparation.
Nous ne sommes qu’au début d’une pandémie dont nous savons seulement qu’elle sera extrêmement difficile à gérer par le système sanitaire français, pourtant régulièrement présenté — principalement par les Français — comme « le meilleur du monde ». La question qui se pose n’est plus vraiment s’il mérite la médaille d’or ou d’argent, puisqu’on s’interroge désormais sur son éventuel effondrement face au Covid 19.
À ce stade, on peut donc légitimement avoir des doutes sur notre performance globale. Plusieurs indices confortent, hélas, ce scepticisme.
Masques et tests manquent cruellement
La difficulté évidente des autorités à fournir des masques efficaces, non pas à l’ensemble des citoyens, mais juste aux médecins de ville démontre une désolante impréparation. Un diagnostic similaire peut être porté sur la très faible quantité de tests du coronavirus dont nous disposons. Nous occupons le 20e rang mondial en taux d’équipement. C’est lui qui a conduit au “choix” de ne les réserver qu’aux patients les plus gravement touchés, situation qui justifie aujourd’hui le confinement général d’une population encore saine. Ça ressemble difficilement à un remarquable succès. Dans le même temps, d’autres pays engrangent les bénéfices d’un dépistage aux premiers symptômes. La Suède a par exemple fait ce choix et n’enregistre que 7 morts pour 1000 cas — un pourcentage très rassurant et que les Français mériteraient de connaître, même s’il est biaisé par l’âge moyen des (jeunes) Suédois atteints. Cette stratégie a permis de confiner et de sensibiliser très tôt les porteurs, limitant mécaniquement la propagation. Le meilleur “système de santé au monde” ne serait-il pas plutôt viking ?
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Quant aux capacités d’accueil en réanimation, la région Grand-Est, avec seulement 1500 cas, doit avoir recours à l’installation d’un hôpital militaire de campagne de 40 lits — soit de quoi faire face aux 1000 cas supplémentaires identifiés, ce qui ne manquera pas de survenir dans les cinq jours qui viennent. On tremble en imaginant les quinze jours suivants, quand d’autres régions seront elles-mêmes, selon toute vraisemblance, débordées…
Retard à l’allumage
Les statistiques enfin, ne sont guère rassurantes. Intuitivement, on pensait que les taux de mortalité chez nous seraient inférieurs à ceux de la Chine en raison justement de la meilleure qualité de nos hôpitaux. Il est encore trop tôt bien sûr pour avoir des bilans comparés, mais le 28 janvier on comptabilisait en Chine 6000 cas identifiés et 132 morts. Le 17 mars, la France comptait 6633 patients et enregistrait son 148e décès. À ces dates respectives, la Chine avait confiné la province de Wuhan depuis 10 jours, la France s’y mettait enfin. Faire mieux que les 3 ou 4 000 décès chinois relèvera, dans ce contexte, du prodige. Ce dramatique retard à l’allumage, nous le devons sans doute plus à l’indécision d’Emmanuel Macron, pourtant instruit des précédents italiens ou chinois, qu’à nos personnels de santé.
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Ces derniers vont subir dans leur chair les conséquences de ces handicaps cumulés. Parmi eux, certains comme le Professeur Raoult cherchent un traitement et ils redoreraient le blason français en y parvenant rapidement — une disruption majeure, mais une course contre la montre que seul un miracle nous permettrait de gagner contre la première vague. Saluons par avance le courage et le dévouement des blouses blanches en combinaison verte, puisque ce sont les soldats d’une guerre au cours de laquelle ils vont prendre des risques et se sacrifier pour nous sauver. Pas de droit de retrait pour eux. Dans une société individualiste fanatique, le Covid-19 met brutalement en avant une notion passéiste aux relents de la France d’avant : l’intérêt général. Dans un pays fracturé, harcelé par des communautés revanchardes et des revendications nombrilistes ubuesques, voilà que le collectif refait irruption, avec la maladie et la mort dans son sillage — ce qui est quand même un autre niveau de préoccupation que la bite de Griveaux.
Le réel est de retour
Viendra bientôt le temps de l’introspection lucide. “Le meilleur système sanitaire du monde” l’était-il vraiment ? Ce ne sera d’ailleurs sans doute pas le seul questionnement imposé par la crise actuelle.
Nous devrons en effet cesser d’être le miroir inversé de cette Chine où le collectif écrase l’individu. Chez nous, l’hyper individualisme n’a eu de cesse de faire la peau à toute contrainte collective ainsi que d’en distraire les moyens. Lorsque Macron nous dit que « plus rien ne sera comme avant », souhaitons qu’il entende rééquilibrer la balance et se réapproprier ces termes honnis par les progressistes : Sécurité collective, Nation, frontières. Le Covid 19 nous ramène sur terre.
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