Les scientifiques ont déjà des pistes sérieuses pour expliquer pourquoi COVID-19 ne s’attaque pas aux plus jeunes, une population pourtant souvent vulnérable.
Dans la crise sanitaire que nous vivons aujourd’hui, un phénomène nous protège de la panique générale : sur plus de 7000 personnes décédées à cause du coronavirus depuis le début de l’épidémie en janvier, aucune n’a eu moins de neuf ans. Ce petit miracle était loin d’être évident : dans un grand nombre des pathologies, les taux de mortalité en fonction de l’âge présentent plutôt une courbe en U, exposant à la fois les plus jeunes et les plus âgés.
Une population souvent très vulnérable – les enfants de bas âge – est donc épargnée
Imaginons une seconde l’état de nos sociétés si cela n’avait pas été ainsi, si des enfants de deux, trois ou six ans mourraient au même rythme que leurs grand-parents… Pas sûr que notre société aurait été capable de résister à une telle charge émotionnelle. Dans les colonnes du quotidien israélien Haaretz, Assaf Ronel essaie de comprendre pourquoi les plus jeunes ne sont pas les plus vulnérables cette fois.
Et il commence par ce double constat : les moins de neuf ans sont épargnés mais plus généralement les effets de cette pathologie sont étroitement liés à l’âge. Ainsi les personnes entre 10 et 40 ans sont elles aussi relativement épargnés. En revanche, plus on avance en âge, plus on est exposé à des formes grave de cette infection virale et à la mort. Ainsi, au-delà de 60 ans, la courbe monte puis explose pour les personnes de plus de 80 ans. Comment expliquer l’immunité des plus jeunes ? Cette piste, pensent les scientifiques contactés par Assaf Ronel, peut nous amener vers la piste d’un traitement efficace au Covid-19.
Les enfants infectés mais pas malades
Notons d’emblée que les enfants ne sont pas à l’abri de la contamination. Selon les informations disponibles, ils sont tout autant infectés par le coronavirus que les autres catégories de la population. Or, l’infection ne s’exprime pas chez eux, sinon par des symptômes légers. Ce qui en fait d’ailleurs d’importants agents pathogènes diffusant la maladie – raison pour laquelle les écoles sont fermées – mais aussi une source d’espoir.
Le coronavirus n’est pas la seule infection à laquelle les très jeunes enfants résistent. C’est aussi le cas de la famille des streptocoques. Dans le cas de la grippe espagnole, après la Première guerre mondiale, l’essentiel de la mortalité se concentrait sur les 30-40 ans. Il est donc logique de chercher des explications dans l’évolution de notre système immunitaire.
Inné et acquis
La résistance des enfants pourrait être liée aux deux formes de systèmes immunitaires dont nos corps disposent : l’inné et l’acquis. Le système inné lutte contre des envahisseurs sans discrimination tandis que l’acquis adapte une réponse spécifique à des menaces identifiées tout en construisant une mémoire immunitaire qui nous aide à nous protéger des pathogènes déjà rencontrés ou assimilés comme tels. Face au coronavirus, le système immunitaire acquis n’est pas d’un grand secours car il s’agit d’un pathogène inédit. Seul le système inné est donc capable de nous protéger. Or, celui-ci est beaucoup plus efficace chez les enfants. Car les changements hormonaux qui commencent à l’adolescence provoquent la dégradation du thymus (organe situé dans la partie supérieure du thorax qui sert de support à la différenciation et la sélection des lymphocytes T et joue un rôle dans notre système immunitaire). Et, si la dégradation de nos défenses immunitaires démarre dès l’adolescence, l’affaiblissement qui en résulte se manifeste d’une manière de plus en plus claire beaucoup plus tard.
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Une seconde hypothèse explore la façon dont le virus se propage dans le corps. Afin que ce dernier soit durement affecté, il faut que le virus puisse se multiplier suffisamment pour créer une situation de saturation ou de surcharge virale. Tout comme la saturation des hôpitaux par les malades fait craindre l’effondrement du système de soin, notre corps peut lui aussi être débordé par des colonies de virus et s’effondrer (syndrome de défaillance multiviscérale ou SDMV). Chez les enfants, il existe peut-être des goulets d’étranglement qui limitent le rythme de la propagation du virus et transforment une charge de cavalerie massive en lent embouteillage, laissant au système immunitaire le loisir d’éliminer les pathogènes.
Plusieurs pistes
Le premier et le plus important de ceux-ci sont les récepteurs utilisés par le virus pour pénétrer dans les cellules et s’y reproduire. Or, ces récepteurs appelés ACE2 pourraient être affectés par la présence des hormones sexuelles qui apparaissent à l’adolescence. Sans ces hormones – ou avec une présence en plus faible nombre -, nos cellules sont beaucoup moins vulnérables à la pénétration virale.
Un autre obstacle sur le chemin de la cavalerie virale se situe dans la membrane ou la paroi extérieure des cellules des poumons. La capacité de ces dernières à absorber des virus change elle aussi à partir de l’adolescence. Enfin, la présence dans les cellules de « protéines couteaux » (des protéines qui coupent d’autres protéines) a une influence importante sur la multiplication du virus une fois celui-ci à l’intérieur de la cellule. Or, la présence de ces « couteaux » est, elle aussi, liée aux hormones sexuelles et donc à l’âge. Mais ce ne sont qu’hypothèses qu’il faudrait confirmer ou infirmer.
Un essai encourageant en Chine?
On peut poser la question autrement : pourquoi le nombre de cas graves et de décès augmente-t-il avec l’âge ? Retenons que la mort est la conséquence des deux éléments : l’effet direct des virus qui pullulent dans les épithéliums pulmonaires (un ensemble de cellules et donc un tissu) du système respiratoire et la réaction du système immunitaire (mécanismes innés et acquis) qui, en déclenchant des processus inflammatoires, dans les poumons aggravent la situation du patient. Le résultat est un SDRA (Syndrome de détresse respiratoire aiguë). À ce stade, ce sont les changements physiologiques liés au vieillissement qui entrent en jeu et affaiblissent la résistance du corps.
Suivant cette logique, des médecins chinois ont utilisé des cellules souches extraites de la moelle osseuse de sujets jeunes pour soutenir les systèmes immunitaires des malades de corona. Cet essai qui a eu des résultats positifs sur un petit groupe des malades est aujourd’hui élargi à 120 patients en Chine.