Les fleurs sont des végétaux que les femmes aiment tout particulièrement se faire offrir, à côté de la rivière de diamants et du week-end à Rome. Au bout de la tige, on note des pétales, et entre les deux, parfois, des épines. La rose est coutumière du fait. Pourtant il s’agit là d’une fleur très prisée des femmes, et des socialistes en général. Mais c’est une autre histoire. Avec les fleurs on fait des histoires d’amour, des villes fleuries (Le Monde nous apprenait récemment que Trappes était d’ailleurs une « Ville fleurie » – rires enregistrés)… Avec des fleurs on fait aussi de la politique. Ainsi, l’AFP nous apprend dans une dépêche magnifique que la Corée du Nord de Kim Jong Un refleurit au quotidien… « Pour le 60e anniversaire de l’armistice avec le Sud, Pyongyang expose des tableaux épiques où des missiles en carton-pâte se dressent parmi les bégonias et des soldats nains jettent des grenades sur un lit d’orchidées. » Au-delà de la grandeur esthétique de la composition, on saura goûter au kitch total et jouissif du tableau. « Rien, en Corée du Nord, n’échappe à l’Histoire, pas même le nom des fleurs: dans le hall des expositions de la capitale nord-coréenne, les bégonias rouges sont en réalité des « Kimjongilia », baptisées ainsi en l’honneur du défunt dirigeant Kim Jong-Il. » Ce n’est pas tout d’être un dictateur (en formation… Kim Jong Un n’est encore qu’un bébé), il faut aussi savoir s’inscrire dans une tradition prestigieuse… « Les orchidées sont des « Kimilsungia », ainsi nommées en mémoire du fondateur de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), Kim Il-Sung. » Bégonias et orchidées sont ainsi les fleurs dominantes d’une série de 70 compositions occupant trois étages du hall des expositions à l’occasion de ce 60e anniversaire de l’armistice du 27 juillet qui a mis fin à la guerre de Corée en 1953. Armistice célébré en Corée du nord comme le jour de la victoire dans la « guerre de libération de la patrie ».
On apprend, à l’occasion de cette péripétie distrayante, que la fleur nationale de la Corée du nord est le magnolia. Fleur célèbre, en hexagone, pour la chanson fatigante « Magnolia forever » de Claude François écrite par Etienne Roda-Gil dans le seul but de s’acheter beaucoup de whisky. Les orchidées sont omniprésentes dans la scénographie nord-coréenne… Les tableaux se veulent réalistes… « D’autres [tableaux] représentent de véritables scènes de guerre comme ces figurines d’un mètre de hauteur représentant des mitrailleurs ou des grenadiers camouflés dans les Kimjongilia, dont les larges pétales et les épaisses tiges offrent un couvert plus efficace que la délicate Kimilsungia. » Langage des fleurs…
Le Français moyen, déjà habitué à associer les Corées aux arts floraux (j’en veux pour preuve le sourire intermittent et les jambes dignes d’intérêt de la splendide ministre Fleur Pellerin – si tu me lis…) ne s’étonnera aucunement de cette révélation…Une ouvrière, Jiang Ok-Sil, rapporte l’AFP, a pris des congés pour visiter l’exposition avec sa fille de cinq ans. « Comme tous les Coréens, dès que nous voyons ces fleurs, nous nous souvenons toujours de nos grands dirigeants, Kim Il-Sung et Kim Jong-Il », confie-t-elle. Interrogée sur sa fleur préférée, la femme hésite, puis désigne le Kimilsungia qui est plus jolie. « Mais la Kimjongilia est très belle aussi », ajoute-t-elle aussitôt.
« Que cent fleurs s’épanouissent ! » c’est de Mao, non ? Mais cent, c’est petit…
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