Fort Chabrol n’a pas tenu. Contrairement à l’hiver 2012 où Jean-François Copé, vaille que vaille, avait tenu bon, y compris face à la scission d’une bonne moitié des députés UMP, le départ du président de l’UMP a cette fois-ci été obtenu.
Le bureau politique de ce matin accouche donc de la démission collective de la direction actuelle de l’UMP qui prendra effet le 15 juin prochain, un congrès extraordinaire étant convoqué pour octobre, avec à la clef, l’élection d’un nouveau président. En attendant, c’est une troïka composée de trois premiers ministres UMP qui assurera l’intérim. Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin et François Fillon dirigeront donc le parti et prépareront le congrès[1. Dominique de Villepin ne cotise plus à l’UMP et ne fait plus partie du bureau politique. Il n’est donc plus considéré comme un ancien Premier ministre UMP par ses collègues.].
Depuis l’éclatement de l’affaire Bygmalion, Copé avait décidé de faire celui qui ne savait pas, ce qui traduit en langage Zemmour, signifiait qu’il « préférait passer pour un con que pour un voleur ». Jérôme Lavrilleux, hier soir sur BFM TV, l’a dédouané, ainsi que Nicolas Sarkozy, assumant le fait que le dépassement du plafond des dépenses de sa dernière campagne présidentielle avait été maquillé par de fausses factures. Mais laissons l’enquête se dérouler et démêler le vrai du faux. Ce n’est pas notre sujet.
Attardons-nous plutôt sur les forces politiques en présence. Parmi les rares personnalités qui ont soutenu Copé ce matin, figurait la « sarkopéiste » Nadine Morano, à la fois trésorière de l’association des amis de Nicolas Sarkozy et l’une des partisanes les plus fidèles de Copé lors de la guerre face à Fillon il y a dix-huit mois. La nouvelle députée européenne est sans doute mue par la crainte de voir Fillon et Juppé entraver le retour de Nicolas Sarkozy en organisant des primaires en 2016. Aujourd’hui, l’ancien président est non seulement éclaboussé par les retombées de l’affaire Bygmalion mais voit ses deux principaux adversaires prendre le contrôle du parti. Le maintien d’un Copé affaibli aurait davantage servi la stratégie du retour de l’homme providentiel.
Examinons la troïka désormais aux commandes de l’UMP. Raffarin a souligné que le congrès aurait lieu « après les sénatoriales », précision qui n’est pas anodine dans sa bouche d’un candidat à la présidence de la chambre haute du Parlement, laquelle devrait re-basculer à droite à l’automne. Juppé et Fillon, quant à eux, ne pensent qu’à la future primaire qui désignera le candidat de la droite à la présidentielle. C’est pour cette raison qu’ils ne devraient pas postuler à la présidence de l’UMP. Et qu’ils se mettront certainement d’accord sur le nom d’un dirigeant intérimaire, ne présentant aucun danger immédiat. Ainsi, Xavier Bertrand, Bruno Le Maire et NKM ne correspondent pas au profil.
Juppé et Fillon pourraient aussi tenter de convaincre Raffarin de ne pas briguer le « Plateau » pour occuper la présidence de l’UMP. Un tel scénario ravirait Gérard Larcher, qui aspire à retrouver la tête du Sénat, mais l’ancien premier ministre de Chirac ne renoncera pas facilement à son rêve. Par éliminations successives, on déduit que l’homme le mieux placé pour est bien François Baroin. L’ancien porte-parole de Chirac a soutenu Fillon pendant sa guerre avec Copé et il garde des liens anciens avec Alain Juppé. Surtout, il incarne à merveille la nouvelle ligne réclamée par le maire de Bordeaux et le député de Paris : résolument hostile à la stratégie Buisson, favorable à une alliance plus franche avec le centre UDI-Modem. Baroin a en outre l’avantage de ne pas trop déplaire à Nicolas Sarkozy.
Mais quel que soit le candidat estampillé Fillon-Juppé, il aura un adversaire. Car Henri Guaino et Laurent Wauquiez ont l’air bien décidés à faire entendre leur voix. Une fois n’est pas coutume, nous pourrions alors assister à une vraie bataille idéologique. Le refus ostensible de Guaino de voter pour Lamassoure aux élections européennes cachait un débat beaucoup plus noble que la guerre Fillon-Copé. Le député des Yvelines et celui de la Haute-Loire ont même publié ensemble une tribune fustigeant le tour actuel de la construction européenne. Leur candidature commune[2. Les militants de l’UMP votent pour un ticket de trois personnes – un président, un vice-président et un secrétaire général. Il leur resterait à trouver un troisième larron.] pourrait rappeler les heures glorieuses de 1990 où Pasqua et Séguin affrontaient Chirac… et Juppé.
Et offrir aux adhérents UMP autre chose qu’un combat de personnes qui pensent la même chose sur tout.
*Photo : WITT/SIPA. 00637864_000001.
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