On a beau avoir vingt-cinq ans d’expérience d’observateur des partis de droite, dont la moitié en immersion, le spectacle donné par l’UMP depuis une semaine a explosé tous nos repères en terme de folie politique. Ne nous mentons pas : dès le début, les responsabilités sont largement partagées entre les deux camps, lesquels ont triché comme savent le faire tous les politiques dans la moindre élection interne. Entre salade niçoise pour l’un, procurations à la chiraquienne pour l’autre, sans compter les comptes fantaisistes de la COCOE, on peut estimer que le résultat a été faussé et qu’on ne saura sans doute jamais qui a vraiment gagné, faute d’instances impartiales.
Ce que l’on peut en revanche savoir, c’est qui a d’ores et déjà gagné la bataille de la com’. Ou plutôt qui l’a davantage perdue que l’autre. Geoffroy Didier, l’un des deux « bébés Buisson » de la « droite forte » a beau crier au truquage des sondages, l’étude du JDD parue samedi montre que la cote de popularité de Jean-François Copé chute beaucoup plus lourdement que celle de François Fillon (-22 points en une semaine, record mondial battu !). C’est aussi le cas parmi les seuls sympathisants de droite, ce qui n’est pas sans importance si l’on part du principe que le député-maire de Meaux n’a jamais eu pour objectif de séduire l’électorat de gauche. Qu’il le veuille ou non, à tort ou à raison, Copé est aujourd’hui l’une des personnalités les plus détestées de France, comme Nicolas Anelka après la coupe du monde 2010. À l’époque, le footballeur aurait pu léguer sa fortune aux Restos du cœur –ce qui n’est pas du tout son genre- que sa cote de popularité aurait encore plongé. Quand on a mis en place la machine à énerver, la seule solution, c’est de disparaître des écrans radars le temps que cela passe.
Non seulement Jean-François Copé ne peut pas se permettre de disparaître, mais à la différence d’un footballeur pro il doit compter sur l’état de l’opinion à son égard. Or toutes ses interventions apparaissent comme des provocations et il continue d’alimenter la machine à envie de lui donner des baffes. La dernière en date, c’est l’annonce aux journalistes que l’UMP a enregistré 600 adhésions la nuit de dimanche à lundi après l’échec de la conciliation Juppé. Il fait penser à un gamin de cinq ans qui s’enfonce dans ses mensonges et qu’on a rudement envie de claquemurer dans sa chambre. Quand bien même six-cents psychopathes auraient choisi d’adhérer à l’UMP cette nuit-là, ce que ne goberait pas le militant copéiste le plus acharné, faire une telle annonce à la presse, c’est démontrer –je vais tenter d’utiliser des mots me mettant à l’abri d’un papier bleu- qu’on ne maîtrise pas toutes ses facultés de jugement.
Jean-François Copé semble croire qu’on lui « rendra justice » dans quelques mois ou dans quelques années du fait qu’il a tenu bon et n’a rien lâché dans cette bataille. S’appuie-t-il sur le seul précédent en matière de scission de l’histoire politique récente, le congrès mégrétiste de Marignane ? Effectivement, Bruno Mégret avait fait scission et en avait appelé à la justice, comme François Fillon s’apprête à le faire. Certes la justice avait fini par donner raison à celui qui jouait à domicile, Jean-Marie Le Pen, lequel avait fort bien rebondi puisqu’il s’était qualifié pour le second tour de l’élection présidentielle trois ans plus tard, alors que son rival réalisait un maigre 2,34 %. Mais parier sur une issue similaire serait bien imprudent. D’abord, Bruno Mégret emmena des cadres avec lui, quand Fillon partirait avec des cadres et des parlementaires (sans doute la majorité des députés et sénateurs UMP). Ensuite, il n’est pas dit que la Justice donnerait le même résultat, compte tenu du manque de fiabilité de la COCOE. Enfin, parier sur la mémoire de poisson rouge des électeurs, c’est oublier que contrairement à la scission FN de 1999, celle de l’UMP aura été vécue en direct sur des chaînes d’info continue aujourd’hui accessibles à tous grâce à la TNT, ou sur internet. Une médiatisation, cent fois, mille fois plus importante, du fait aussi qu’il s’agit là d’un des deux plus grands partis de France.
Les images de Copé annonçant sa victoire avant les résultats officiels, cherchant à humilier son adversaire en lui proposant une vice-présidence, passant par pertes et profits la non-comptabilisation de trois départements d’outre-mer, expliquant au sortir d’une conciliation -qu’il n’a pas peu contribué à faire échouer- que cette dernière s’est déroulée « dans un climat cordial et sympathique » risquent de demeurer longtemps dans les têtes, et notamment celles de droite. Et si jamais la mémoire de l’électeur s’assoupissait, les images d’archives, qu’on peut retrouver en trois clics alors que les demandes à l’INA décourageaient auparavant les paresseux, viendront la réveiller instantanément.
Jean-François Copé n’a plus qu’une solution pour sauver son image dans le futur, c’est d’accepter un nouveau scrutin. Solution qu’il refuse, pour l’instant, se comportant en politicien suicidaire qui menace de tout faire sauter, le siège de l’UMP et lui avec. Les prochains jours diront s’il met sa menace à exécution.
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