Jean-François Copé devait se faire beaucoup de souci devant son poste hier soir en regardant le débat entre Manuel Valls et Marine Le Pen. Comme s’il n’avait pas d’autres ennuis à court terme avec la semi scission de l’UMP, il pouvait légitimement s’inquiéter pour le long terme en voyant ses deux concurrents générationnels offrir aux Français une opposition frontale, et surtout non factice.
Peu importe qui de Valls ou de Le Pen a pris l’ascendant sur l’autre hier soir. Le grand vaincu est en de toute façon le président contesté de l’UMP. Comment exister entre ces deux-là, devait-il s’interroger. En effet, Copé, qui est évidemment tout sauf un imbécile, a beau se montrer sûr de lui-même et ne doutant de rien, il rêve d’être président depuis l’adolescence et réfléchit en permanence à sa stratégie pour y parvenir. En l’occurrence, les absents ont toujours tort et les téléspectateurs ont pu comparer cet affrontement avec tous ceux qu’on leur sert entre personnalités du PS et de l’UMP où tout le monde fait semblant de s’affronter sur les sujets essentiels pour la bonne et simple raison que, comme l’avait théorisé feu Philippe Séguin, ce sont des « détaillants se fournissant chez le même grossiste, l’Europe ».
Certes, Marine Le Pen avait choisi d’attaquer principalement le ministre sur le sujet de prédilection historique de son parti, l’immigration. Mais la politique migratoire de notre pays est aussi un produit vendu par le grossiste bruxellois. Et Marine Le Pen a pu rendre fier Florian Philippot, lequel a vu sa fiche sur l’euro récitée d’un trait par sa présidente, de plus en plus à l’aise sur le sujet. À vrai dire, c’est bien là que réside le talon d’Achille de la stratégie Buisson que Jean-François Copé a décidé de faire sienne avec sa campagne sur la droite décomplexée. L’ancien gourou élyséen a beau faire une analyse assez pertinente de l’état d’esprit de l’électeur périurbain et rural, il n’a pas les hommes pour la porter efficacement, ou en tout cas plus efficacement qu’une Marine Le Pen dédiabolisée.
Copé peut bien plastronner sur les thèmes identitaires, ses convictions économiques jurent terriblement avec ce discours. Nicolas Sarkozy, dont l’histoire personnelle rendait aussi peu crédible l’adhésion aux thèmes de la Frontière, avait au moins l’avantage d’avoir à disposition, en plus de Buisson, Henri Guaino pour mettre tout ceci en musique. Grâce à certains épisodes comme la nationalisation temporaire d’Alstom ou le discours de Toulon, il avait pu apparaître volontariste sur les sujets économiques. Copé, en revanche, ne peut taire ses convictions anti-étatistes. Quand il aborde ces sujets, on entend Madame Parisot. Si on ajoute le fait que son soutien politique le plus connu pendant l’élection interne de l’UMP était Jean-Pierre Raffarin, pas facile de se faire passer pour un concurrent efficace de Marine Le Pen sur la question nationale. A la différence de l’ancien premier ministre de Jacques Chirac, Guillaume Peltier et Geoffroy Didier, qui menaient la motion de la Droite forte, pilier de la stratégie identitaire de Copé, ne sont pas très connus du grand public.
La chute vertigineuse de Jean-François Copé dans les sondages de popularité, où il se place désormais derrière Marine Le Pen, doit effectivement beaucoup à sa bataille de chiffonniers avec François Fillon. Mais structurellement, son positionnement se révèle désastreux, pris en sandwich entre un gouvernement qui vient d’officialiser son orientation sociale-libérale et Marine Le Pen plus cohérente que lui sur l’ensemble des problématiques liées à la mondialisation. C’est pourquoi le choix François Fillon serait davantage profitable à l’UMP car il aurait au moins la carte de l’expérience à faire valoir pour succéder à François Hollande et mener les mêmes politiques que ses prédécesseurs. Conscient de tous ces éléments, dos au mur, Jean-François Copé n’a plus qu’un seul atout, l’appareil UMP. C’est pourquoi, il ne le lâchera pas. Le feuilleton UMP peut donc continuer.
*Photo : Des paroles et des actes/ France 2.
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