Le dernier roman de Didier van Cauwelaert est parfaitement adapté à la saison actuelle : il plaide pour l’espoir dans un monde désespéré, pour le miracle dans une société blasée.
Didier van Cauwelaert recevait, il y a 30 ans, le prix Goncourt pour Un aller simple. On découvrait l’histoire d’Aziz, recueilli par les tziganes des quartiers nord de Marseille. Il possédait un faux passeport marocain. C’est peu pour affirmer connaître ses origines. Et puis un jour le gouvernement décide de lancer une opération marketing de retour au pays. Aziz va alors être confié à un jeune attaché humanitaire idéaliste. Aziz, sommé de montrer son lieu de naissance, indique au hasard une zone du Haut-Atlas marocain. Tout devient alors possible. Les jurés du Goncourt furent émus. Il faut dire que Didier van Cauwelaert possède cette capacité, de plus en plus rare chez les écrivains, de briser le réel pour laisser entrer le merveilleux. Didier est un admirateur de Charles Trenet. Nous avons chanté ensemble dans un bar d’hôtel de province les plus grands tubes du « fou chantant », poète amoureux de Jean Cocteau.
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L’enfant qui sauva la Terre est un conte thérapeutique de Noël. Il ressemble au « Jardin extraordinaire » de Trenet. Il n’est pas question d’idéologie ou de « grand soir », juste une envie de croire, malgré la tristesse de la situation initiale du récit, que l’imaginaire peut tenir en respect le pire. Comme l’écrit van Cauwelaert, une prophétie doit « permettre de corriger un scénario catastrophe », et non de s’y soumettre. Il faut déjouer en permanence les desseins du diable. Pour cela il faut croire dans les forces de l’esprit associées à celles de la nature. Il faut rechercher les centres telluriques, embrasser les arbres pour revigorer notre volonté d’inverser le cours des choses et retrouver ainsi l’équilibre des forces premières, qui a permis que le miracle de la vie s’accomplisse. C’est un récit plein d’espoir que l’écrivain, l’un des plus prolifiques de sa génération, nous offre en cette veille de la Nativité. Quand une clown confie la planète malade à un gamin qui s’éteint, qu’arrive-t-il ? Des choses incroyables qui secouent nos certitudes de blasés opulents. Thomas, enfant de 12 ans, en soins palliatifs, dont la mère est morte en lui donnant la vie, et dont le père est en prison, va échapper à l’emprise des médecins qui ont programmé sa mort. La clown est peut-être « bidon », mais son discours intelligent et vigoureux oblige l’enfant, dont le corps est dominé par le syndrome de Beaufort, une maladie orpheline, à réagir.
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Ce conte est également un manifeste pour la Terre en souffrance. Par la pensée, Thomas va tenter de refroidir la banquise, d’apprendre aux abeilles à se défendre face aux frelons asiatiques, de restaurer la barrière de Corail et peut-être de se guérir lui-même. Bien sûr, si votre esprit cartésien vous fait hausser les épaules, ne perdez pas votre temps à lire ce roman, à la fois tendre et ironique, et allez admirer les éoliennes qui désorganisent les animaux de notre planète. Mais si vous laissez une place à la psychologie, voire à l’irrationnel, alors courez l’acheter. Comme le dit l’un des docteurs au jeune Thomas : « Tu sais, la maladie n’est que l’ultime langage du corps pour se faire entendre, quand on refuse de l’écouter. Ton profil, à première vue, a des similitudes avec celui des autres Beaufort : traumatisme affectif, précocité intellectuelle, sentiment d’exclusion… » Et d’ajouter, plus généralement : « Votre organisme a secrété, pour des raisons qui vous appartiennent, des toxines analogues à celle de ces batraciens, qui bloquent peu à peu les commandes de vos fonctions vitales. C’est ce que certains confrères appellent des produits chimiques émotionnels ».
À méditer.
Didier van Cauwelaert, L’enfant qui sauva la Terre (Albin Michel, 2024).
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