Un an et demi après la fin du Tour de France 2010, à la suite du contrôle antidopage effectué le 21 juillet 2010, qui avait révélé des traces infinitésimales de clenbutérol[1. Une substance active à l’origine d’usage vétérinaire, prescrite pour les affections broncho-pulmonaires spastiques chez le cheval de course.] dans ses urines, Alberto Contador, triple vainqueur du Tour de France (2007, 2009, 2010), double vainqueur du Giro (2008, 2011) et vainqueur du Tour D’Espagne (2008) a été déclaré coupable de dopage par le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) hier. Le champion espagnol est suspendu deux ans avec effet rétroactif au 25 janvier 2011, moins la période de suspension provisoire qu’il a purgée en 2010 et 2011 (5 mois et 19 jours). Il perd le bénéfice de sa victoire du Tour de France 2010 ainsi que tous ses succès acquis entre temps. Andy Schleck, arrivé second du Tour de France 2010, devrait en être prochainement déclaré vainqueur.
« La suspension devrait prendre fin le 5 août 2012 », précise le TAS.
Bien qu’il reste à Alberto Contador un délai de trente jours pour déposer un recours en conformité auprès du Tribunal fédéral suisse, il paraît improbable de voir l’Espagnol sur la ligne de départ du Tour de France 2012. Contador avait d’abord été acquitté en première instance par la fédération espagnole en février 2011. Puis le coureur était venu plaider sa cause devant le TAS fin novembre à Lausanne. Concluant que les scénarios de la contamination de la viande et de la transfusion sanguine, étaient théoriquement plausibles mais inaptes à expliquer un contrôle antidopage positif, les trois juges du TAS ont conclu[2. En s’appuyant sur l’avis de la formation arbitrale et sur les preuves produites.] que la présence de clenbutérol a été probablement causée par l’ingestion de suppléments nutritifs contaminés. Le TAS a ainsi appliqué avec une sévérité roide le règlement en ignorant les arguments du coureur espagnol qui a toujours plaidé la contamination alimentaire.
Présent au Tour du Qatar, Eddy Merckx, l’un des cinq coureurs à avoir gagné les trois grands tours dans sa carrière (Tour de France, Giro, Vuelta) s’est montré très affecté par cette décision : « J’aime trop le vélo… Je sais aussi quel champion est Contador. C’est une punition excessive par rapport à la dose trouvée, c’est une nouvelle fois le cyclisme qui trinque. C’est comme si on voulait tuer le vélo ? Je suis dégoûté ».
On ne peut qu’approuver les déclarations d’Eddy Merckx face à l’acharnement que subit le cyclisme de la part des instances comme le TAS ou l’AMA (Agence Mondiale Antidopage). On aimerait voir autant de diligence concernant le dopage dans le monde du football et du rugby, mais trop d’argent, d’intérêts financiers et politiques sont en jeu dans ces sports. On préfère donc frapper une nouvelle fois le vélo, ce sport populaire qui atteint parfois des sommets de lyrisme.
Il faut aussi souligner l’aberration ubuesque d’un jugement intervenant pratiquement deux ans après les faits reprochés, qui ont donc laissé courir Contador (hormis une parenthèse de 5 mois) pendant toute cette période. Ainsi, cette condamnation est absurde. Même le docteur Jean-Pierre de Mondenard, adversaire irréductible du dopage, explique : « On bouffe tous du clenbutérol ! Dans les laboratoires, il y a des traces de plastique partout, dans les solvants et même dans l’air ». Selon l’auteur de La Grande Imposture, « Une récente étude sur les députés européens a montré que leur corps contenait de nombreuses substances toxiques à cause de ce qu’ils mangent. ». De surcroît, la quantité retrouvée dans les urines du coureur (0, 00000000005 gramme !) est si infime qu’elle appuie l’hypothèse d’une simple contamination. Alberto Contador a pu se doper mais les éléments du dossier dont disposent l’UCI et le TAS sont insuffisants.
Au vu de ces doutes, que l’on rende son palmarès et son honneur à Contador, qu’on le laisse courir et affronter ses adversaires dans le prochain Tour de France, surveillé, espérons-le, par des contrôles rigoureux mais aussi justes et respectueux des champions.
Car il faut rendre grâce au cyclisme combatif, noble et valeureux de toutes les figures qui composent ce qu’Olivier Dazat appelle joliment « l’honneur des champions »[3. Parmi lesquels Fausto Coppi, Gino Bartali, Louison Bobet, Bernard Hinault, Laurent Fignon, Greg Lemond, Roger De Vlaeminck, Eddy Merckx, Thomas Voeckler.].
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