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La droite ne déçoit plus, elle ennuie!

Incohérence et inconséquence de la droite


La droite ne déçoit plus, elle ennuie!
Gérard Larcher et François-Xavier Bellamy, pas assez conservateurs ? © SICCOLI PATRICK/SIPA Numéro de reportage : 00904807_000029

En déroute dans les urnes, la droite paie une inconséquence qui remonte à loin. L’exemple de la sauvegarde et du respect du patrimoine est éclairant : la droite n’assume pas son conservatisme.


Depuis le score déplorable (8,5 %) de la liste de François-Xavier Bellamy aux élections européennes, la droite ne cesse de se diviser, d’envisager de se recomposer, de vouloir se refonder. Ce genre de contorsions ne date pas d’aujourd’hui. A chaque revers électoral, ce sont les mêmes déclarations, les mêmes résolutions, le même manque d’imagination. Gérard Larcher, Bruno Retailleau, Valérie Pécresse, Xavier Bertrand, Christian Estrosi, Éric Ciotti, chacun y va de son explication, de sa suggestion, de sa solution. De sa grandeur d’âme aussi : « Nous avons tous notre part de responsabilité ». Ils ne déçoivent même plus. Ils ennuient. Il y a certes le feu à la maison LR, et les élections municipales ont lieu dans un an. Sauver pour les uns leur mandat local, pour d’autres leur mandat de sénateur, et, avec ces mandats, les présidences et les vice-présidences qui s’ensuivent, voilà l’enjeu ! Voilà la raison de l’affolement, des démissions, des ralliements, des abandons, des trahisons.

« Tirer les leçons de nos échecs », énième saison

Que faisiez-vous aux temps chauds ? « Nous avons négligé depuis trop longtemps la réflexion », disent les uns. « Nous n’avons pas su être à l’écoute des Français », disent les autres. Bruno Retailleau, le Président du groupe LR au Sénat, quant à lui, répond à Elisabeth Lévy dans les pages de Causeur : « Emmanuel Macron est parvenu à installer un duel entre la République en marche et le Rassemblement national ». Ah ! Et ce, sans l’aide d’une droite qui, au fil des années, a tout abandonné au Front puis au Rassemblement national ? Ce n’est pas, à ses yeux, la seule explication du score historiquement bas de la liste tirée par Bellamy. « Nous n’avons pas tiré les leçons de nos échecs », ajoute-t-il. En réalité nos politiques ne veulent pas prendre la mesure de l’irritation des Français devant leur détestable penchant à faire dans leur dos le contraire de ce qu’ils disent, à les empêcher de se mêler de ce qui les regarde. 

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Parmi les très nombreux exemples de leurs manières de faire, prenons-en deux ou trois fort révélateurs. Jeter un œil attentif derrière le rideau suffit en effet pour comprendre que c’est de leur incohérence et de leur inconséquence que souffre le pays !

Langue française et patrimoine

A la veille des européennes, nous nous étonnions dans une tribune parue sur le site du Figaro que le Président du Sénat puisse d’un côté prétendre défendre la culture et la langue françaises et de l’autre laisser passer une proposition de loi socialiste rédigée en écriture inclusive. Nous rappelions que le ministre de l’Education nationale en avait dénoncé, devant la représentation nationale, le caractère catastrophique pour l’école, ce qui n’avait pas empêché, d’ailleurs, la Présidente de la commission culture, la sénatrice Catherine Morin-Desailly (UC), de rédiger elle-même un texte en usant de cette écriture. Nos politiques ont-ils été élus pour exercer leur mandat avec autant de désinvolture et d’inconséquence ? « Je ne peux pas vous suivre sur ce chemin », nous a écrit une sénatrice LR qui venait de lire l’article. Quel aveuglement ! Ne se rend-elle donc pas compte que c’est son parti que les électeurs ne veulent plus suivre ?

Examinons une autre incohérence ayant trait cette fois à la politique de sauvegarde de notre patrimoine et à son respectLa Commission de la culture du Sénat, après de nombreuses auditions de personnes qualifiées, a estimé à juste titre qu’autoriser des dérogations aux règles en vigueur pour faciliter la restauration de la cathédrale de Notre-Dame était inutile voire dangereux pour l’exemplarité de ce chantier et la crédibilité de notre législation. Aussi a-t-elle supprimé l’article 9 du projet de loi du Gouvernement qui souhaite de telles dérogations. Si l’on ne peut que se féliciter de cette suppression, il est impossible de croire à la hauteur de vue de ceux qui l’ont décidée.

La droite n’ose pas être conservatrice

Il suffit de la mettre en perspective avec le silence habituel de cette commission devant le parasitage de notre patrimoine par la vulgarité et la bêtise des manifestations d’art contemporain. Comment la présidente Catherine Morin-Desailly peut-elle d’un côté déclarer : « Les travaux de restauration de Notre-Dame devront préserver l’authenticité et l’intégrité du bien si nous ne voulons pas prendre le risque de porter atteinte à la valeur universelle exceptionnelle de celui-ci et de perdre le bénéfice de ce classement, qui ne manquerait pas d’avoir des effets sur l’attractivité de Paris et la crédibilité de la France en matière de protection du patrimoine », comment peut-elle faire une telle déclaration, apparemment soucieuse du patrimoine de notre pays et de l’attractivité de Paris, et d’un autre côté se taire devant l’installation de deux énormes pneus de tracteurs dorés à la feuille d’or sur les rampes de l’escalier de l’Opéra Garnier ? Il lui est impossible de ne pas être au courant de la manière dont les responsables du ministère de la culture ont souhaité célébrer le 350e anniversaire de l’intégration de la compagnie de danse classique dans l’Académie royale de musique. Il lui fut en effet suggéré, par une lettre ouverte au Président du Sénat dont elle fut également destinataire, de mettre en place une commission d’enquête pour connaître le cheminement du projet d’installation de ces pneus dans un haut lieu de notre patrimoine national. Cette lettre leur précisait que le plasticien sollicité s’était illustré sur la scène artistique avec des enseignes lumineuses particulièrement subtiles : « mon cul, ma vie, mes couilles », « je suis une merde », « riez », « nous sommes heureux », « ta gueule ». La lettre ouverte resta sans réponse. Quand la droite sénatoriale comprendra-t-elle que nos concitoyens sont lassés de ce manque total de conscience et de courage par lequel est dévoyée la démocratie représentative ?

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Le sénateur Alain Schmitz (LR), rapporteur du projet de loi relatif au chantier de la cathédrale, a déclaré qu’il vérifierait qu’aucun euro dépensé par l’État en faveur de la restauration de Notre-Dame ne se fasse au détriment d’autres chantiers et d’autres monuments ». Il s’était déjà ému de la suppression de la réserve parlementaire au prétexte que le petit patrimoine de nos communes rurales en subirait les conséquences. Que ne songe-t-il à vérifier, pour commencer, ce qu’il en est de cette installation de pneus dans un haut lieu du patrimoine national ! Simplement vérifier, sans même porter de jugement. La lettre ouverte lui fournissait mille questions à poser dans le cadre d’une commission d’enquête. Est-il besoin de rappeler que le contrôle de l’action du Gouvernement est une des fonctions essentielles du Parlement ? La Commission de la culture du Sénat pourrait en profiter pour s’interroger sur l’affectation de l’argent public, en ces temps de disette budgétaire, non seulement à toute une production contemporaine aussi insignifiante que vulgaire, mais également à la construction de lieux pour l’héberger – affectation qui se fait au détriment des impératifs de conservation et de restauration de notre patrimoine.

Une occasion manquée

Lors de la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 4 juin dernier à l’Assemblée nationale, les députés ont refusé de suivre le Sénat sur la suppression de l’article 9 du texte gouvernemental. Si la droite sénatoriale avait un peu de courage, elle répondrait au refus de la majorité LREM de l’Assemblée par la mise en place de la commission d’enquête que nous lui suggérions. Ce serait en ce domaine une première qui, retransmise sur la chaîne Public Sénat, ne manquerait pas d’intéresser nos concitoyens. Peut-être se diraient-ils alors : « Tiens ! La droite a commencé de tirer la leçon de sa misérable défaite aux élections européennes. »

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Ancien collaborateur parlementaire, Jérôme Serri est journaliste et essayiste. Il a publié Les Couleurs de la France avec Michel Pastoureau et Pascal Ory (éditions Hoëbeke/Gallimard), Roland Barthes, le texte et l'image (éditions Paris Musées), et participé à la rédaction du Dictionnaire André Malraux (éditions du CNRS).

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