Accueil Culture Et un et deux… et quatre films légers pour l’été !

Et un et deux… et quatre films légers pour l’été !


Et un et deux… et quatre films légers pour l’été !
On a volé la cuisse de Jupiter, de Philippe de Broca (1980)

Vous n’avez plus goût rien. Plus d’appétit, ni d’envie(s). Votre libido est à zéro. Votre cerveau, tout ramollo. Même le capitaine de pédalo a fini par prendre sa retraite forcée. Il avait un petit côté « Señor Météo » de fin de repas sans le talent de Carlos. Alors oui, les raisons de rire et de jouir s’effacent, chaque jour un peu plus, derrière les impératifs économiques et sécuritaires. Le gouvernement désormais en ordre de marche affirme que maintenant tout sera réglo. C’est fini les couacs et les cracks. On connaît la chanson, les finances à sec et les Français ne sont plus à la fête.

Le citoyen discipliné ayant voté durant tout le printemps a droit à un peu de relâchement, à son quart d’heure de détente avant une rentrée sociale agitée. L’été venu, il n’est pas contre de redresser la barre encore faut-il lui en donner les moyens. Le cinéma d’obédience chiante ne lui laisse guère l’occasion de satisfaire ses besoins naturels. Une bouteille de rosé, un canapé et quelques DVD feront le bonheur des hommes pas pressés de reprendre le chemin du boulot et du métro. Causeur a sélectionné quatre films légers comme une tarte tropézienne, quatre façons de ne pas trop se prendre au sérieux, ce mal du siècle qui fait plus de dégâts que les coups de soleil.

On a volé la cuisse de Jupiter (1980)

Si on partait en Grèce cet été avec Antoine Lemercier (Philippe Noiret) et Lise Tanquerelle (Annie Girardot) dans un film taquin de Philippe de Broca. On y découvrirait les vestiges d’une civilisation éteinte, on se baignerait dans une mer aussi bleue que béate, on s’empiffrerait de baklava au petit-déjeuner, on jouerait du pistolet à bouchon dans un marché traditionnel, on porterait des costumes en seersucker pour prendre l’apéro sur le port et on croiserait des popes sur le chemin d’un monastère perché dans la montagne. On se rappellerait qu’en ces temps anciens, un professeur de la Sorbonne et une policière pouvaient entamer une romance après la quarantaine et que leur voyage de noces (tardif) les mènerait à enquêter sur le vol des fesses d’Aphrodite.

La comédie à la française d’alors, populaire et finaude, ne tombait pas dans la grosse farce qui tache. Durant ce voyage hellénique, on ferait la connaissance du jeune Pochet (irrésistible Francis Perrin), d’un commissaire local joué par l’inégalable Marc Dudicourt et puis surtout, la raison principale à ce dépaysement estival serait les jambes de Catherine Alric. Il y a des juppettes blanches qui ne s’oublient pas, des façons aussi de porter le chapeau, de faire l’imbécile, de parler à tort et à travers qui sont bien plus érotiques que les filles complètement dénudées.

Les saisons du plaisir (1988)

Jean-Pierre Mocky, le desperado du cinéma français, avait encore du jus à la fin des années 80. Il pouvait financer un film avec un casting cinq étoiles, s’offrir une affiche paillarde et tourner en bourrique les censeurs. Désormais, montrer un néné à la télé équivaut à blasphémer. Alors ce séminaire de parfumeurs « tringleurs » dans un château de l’Hérault mettra vos sens en alerte. D’abord une comédie gentiment cochonne avec Jean-Luc Bideau, Jean Poiret et Roland Blanche se visionne toujours sans se protéger. Quand on y ajoute Denise Grey, Charles Vanel et Jacqueline Maillan en coquine du minitel rose, ça sent le cul-tissime.

J’oublie de mentionner à ce générique tarte à la crème des garçons aussi spirituels que Bernard Menez, Dominique Zardi et Darry Cowl, on atteint le nirvana. Côté nanas, le réalisateur a jeté son dévolu sur Bernadette Laffont incarnant une sensuelle mère maquerelle protégeant la virginité de sa fille, et donnant exagérément de sa personne. Un régal ! Enfin, la voix la plus chaude du cinéma français, pas la peine qu’elle se dévête pour que l’on défaille, les susurrements de Fanny Cottençon mettent le feu à la pinède.

Canicule (1984)

Il y a le soleil du Midi, plaisant quand il est accompagné par la douceur de la Méditerranée, et puis il existe le vrai cagnard. Suffocant et indomptable. Dans l’Arizona ou le Nevada, on connaît bien cette chappe qui cuit tout ce qui bouge. Dans le Centre de la France, en Beauce notamment, les blés grillent sur place et le bitume des Départementales fond dès la fin de la matinée, c’est une attraction touristique. Dommage que personne ne veuille en profiter. Dans les années 80, le justicier Yves Boisset a posé sa caméra sur ces terres hostiles avec Lee Marvin dans son viseur. En adaptant un polar sans rémission de Jean Vautrin (Jean Herman), il a fait de la campagne française le lieu d’un western sanglant. Le décor : une ferme au milieu de nulle part habitée par une bande d’affreux (Lanoux, Carmet, etc…) et un gamin dévergondé.

Les dialogues rudes comme les moissons sont signés Michel Audiard. « J’ai toujours pensé qu’au sud de la Loire, on ne comprend rien à ce que je dis » affirmait-il avec son habituel brin de mauvaise foi. Qu’il se rassure, on comprend tout et, malgré une débauche d’action, jamais un film n’avait rendu aussi lourde l’atmosphère d’un été à la campagne. On sort de cette séance cinéma en sueur. La présence à l’écran d’une Miou-Miou au comble de sa féminité poisseuse n’est pas étrangère à ce phénomène physique.

Descente aux enfers (1986)

Il fallait oser ! Les tabous sont faits pour être transgressés. Oui, mais il y a des limites tout de même. Le public trop fleur bleue a parfois des pudeurs de jouvencelle. Il veut bien qu’on lui inflige la misère à Katmandou ou la prostitution dans les Balkans à Cannes, il accepte sans ciller toutes les horreurs du monde moderne dans son poste de télé, par contre, mettre l’acteur Claude Brasseur, le père de Vic dans le lit de l’actrice Sophie Marceau, l’héroïne de La Boum, ça frôle l’inceste cinématographique.

En réalisant « Descente aux enfers », Francis Girod a avancé deux postulats :  l’étroitesse d’esprit de certains et l’érotisme explosif de Sophie à la fin des années 80. Jamais un metteur en scène n’avait filmé la comédienne avec autant d’impudeur et de générosité. Il y a des corps sur la plage qui prennent mieux la lumière que d’autres. Le cinéma en 3D n’existait pourtant pas à l’époque. On aurait parié le contraire. Dans la chaleur d’Haïti, un couple composé d’un écrivain alcoolique (pléonasme) et de sa jeune compagne se débat sur fond de chantage. Un plaisir des yeux garanti sans trucages mais aussi l’émotion de revoir Marie Dubois et Gérard Rinaldi dans des seconds rôles parfaits comme d’habitude.

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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