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Conseil constitutionnel : la souveraineté populaire, pour quoi faire?

La semaine liberticide (épisode 2/3)


Conseil constitutionnel : la souveraineté populaire, pour quoi faire?
Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, et Emmanuel Macron, président de la République, novembre 2017, Paris. SIPA. 00830852_000005

L’euphorie footballistique de ces derniers jours a couvert trois affaires liberticides pour les libertés publiques : la saisie de la dotation du Rassemblement national, le vote de la loi « fake news » et l’affaire du « délit de solidarité ». Dans cette dernière, le Conseil constitutionnel prend délibérément à revers la souveraineté populaire…


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Le Conseil constitutionnel présidé par Laurent Fabius a décidé de reprendre ses mauvaises habitudes. En « dépénalisant l’aide désintéressée aux migrants », il s’est livré à une petite opération qui se situe dans le droit fil d’une évolution qu’il a initié depuis déjà un moment et qui consiste à vider de sa substance l’article 3 de la Constitution française. L’article qui affirme : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice ».

Un Conseil pas si populaire…

Les lois votées par le Parlement entretiennent un rapport de conformité, c’est-à-dire de non-contrariété, avec la partie normative de la Constitution, le contenu qui organise le fonctionnement de la République. Par une décision du 16 juillet 1971, le Conseil constitutionnel avait intégré à la Constitution le préambule de celle de 1946. Elle avait décidé que la loi votée par le Parlement souverain devait être également « conforme » à un texte pourtant complètement proclamatoire. C’était déjà une limitation de la souveraineté populaire.

Depuis cette date, le Conseil a systématiquement mis en œuvre une technique qui a consisté à intégrer à la Constitution, dans sa partie normative, tout un tas de choses qui n’avaient rien à y faire. Avec toujours l’objectif de limiter l’espace de l’exercice de la souveraineté populaire. Celle-ci se retrouve donc en tenaille avec, de l’autre côté, l’Union européenne qui a sanctuarisé une partie du pouvoir de décision des peuples dans des traités non-modifiables, sinon par l’unanimité impossible des 27 pays membres.

Cédric Herrou, plus qu’un Français

L’exploit accompli le 6 juillet par le Conseil constitutionnel relève exactement de cette logique. Saisi par le transporteur de migrants, Cédric Herrou, soutenu par toute belle âme avide de bonne conscience, il a annulé une partie d’un texte voté par le Parlement et prévoyant la répression de l’aide au séjour irrégulier (c’est-à-dire illégal) d’étrangers en France. L’article L622–1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi libellé : « Toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 euros ». Visant la sanction d’aide au séjour irrégulier sans recherche de contrepartie, la cour suprême a déclaré contraire à la constitution les mots « au séjour irrégulier » figurant au premier alinéa de l’article L. 622-4 du Code. C’est donc ce que ses adversaires appelaient le « délit de solidarité » qui a été déclaré inconstitutionnel. Sous les ovations bruyantes de la cohorte des belles âmes rassemblées trop contentes d’obtenir l’appui du juge pour bafouer à cette occasion la volonté pourtant très claire du peuple français. Claire par la décision de ses représentants, mais également par toutes les études d’opinion qui démontrent que les Français, à près de 70 %, sont opposés aux nouvelles formes qu’a pris le trafic d’êtres humains.

Délit de fraternité

Pour faire ce cadeau aux belles âmes, le Conseil constitutionnel a trouvé une astuce. Rien dans la Constitution ne pouvait prohiber la création législative du « délit de solidarité » en tant que tel. Alors, dans les couloirs de la cour suprême, on a eu une super idée. L’article 2 de la Constitution proclame tout un tas de jolies choses et rappelle la devise de la République : « La devise de la République est « Liberté, Egalité, Fraternité ». » On va simplement dire qu’une devise a une valeur normative obligatoire et que par conséquent la « fraternité » est un principe constitutionnel. Tout ce qui, dans la loi, pourrait être contraire à la fraternité doit donc être prohibé. La grossièreté de la manipulation saute aux yeux. Quelle définition de la fraternité, quel contenu ? Est-elle réservée, ce qui serait logique, aux citoyens français ? Une fraternité universelle ne constituerait-elle pas un bel oxymore ? Quand et comment porte-t-on atteinte à la fraternité ? L’auteur de ces lignes appartient à une famille qui dispose d’une devise ancienne : « Toujours courant derrière la gloire ». Il est donc assez bien placé pour savoir l’absence de caractère normatif obligatoire de cette devise, sauf à la compléter par un ironique et justifié « sans jamais la rattraper ». Tout ceci serait au plus ridicule si cette démarche du Conseil constitutionnel n’était dangereuse pour la démocratie.

Les Français paieront

On se permettra d’abord quelques observations sur cette notion de « délit de solidarité ». Si l’on comprend bien, les opposants au texte voulaient que l’aide apportée au séjour sans sollicitation de contrepartie, c’est-à-dire la simple hospitalisée bénévole, ne puisse constituer une infraction. Ce pourrait paraître honorable, sauf que l’on sait bien qu’il n’y a jamais d’acte gratuit, et qu’il faut dépasser l’hypocrisie : le choix militant d’aider au séjour des migrants est une décision à caractère politique. Monsieur Herrou, est un activiste « no border » et n’a jamais caché son alignement sur la volonté du néolibéralisme de libre-circulation des capitaux des marchandises et des hommes. Cette intervention militante fait partie intégrante du système mis en place pour cette nouvelle traite qui commence avec des rabatteurs dans les pays en cause, passe par toutes sortes de mafias, se poursuit avec la livraison de leur cargaison par les O.N.G. puis ensuite, avec les cours de morale des belles âmes. Celles-ci d’ailleurs, après avoir offert, pour certains, un bol de soupe aux malheureux, exigent toujours la même chose : que ce soient les autres qui payent, c’est-à-dire la collectivité. « Les Français doivent payer, les Français paieront ». Avec souvent les cathos en première ligne qui nous bassinent avec Saint Martin, le légionnaire romain, et son manteau coupé en deux pour être donné à un pauvre. En oubliant scrupuleusement de nous rappeler le pourquoi de cette division. Eh oui, Martin, qui n’était pas généreux avec l’argent des autres, ne pouvait disposer du manteau, car la moitié conservée appartenait à l’État romain.

Le gouvernement déjuge

Il faut être clair ensuite. J’étais personnellement opposé à la rédaction de l’article L 622–1 et à l’incrimination de « l’aide au séjour irrégulier ». Non pas parce qu’elle était contraire à la fraternité (!) mais parce que la rédaction était trop large et violait le principe de spécialité auquel doit répondre toute incrimination pénale. Je souhaitais, pour ma part, que le texte soit revu, et les diverses hypothèses de faits considérés comme délictuels, détaillées. C’est ce qui était d’ailleurs prévu. Mais Laurent Fabius a préféré, au-delà du coup médiatique, une manipulation et un forçage qui sont gros de dangers. L’enjeu de cette affaire n’est pas la censure d’un article mal rédigé, mais la méthode utilisée qui conduit inéluctablement à renforcer les pouvoirs du Conseil à l’encontre de la souveraineté populaire. Le Parlement macronien travaille actuellement sur une nouvelle modification de la Constitution, déjà abîmée par les prédécesseurs de Macron, et qui finira de la déchiqueter. Dans une sorte de foire, ce ne sont que surenchère et concurrence pour y fourrer n’importe quoi. Travail dont le résultat ne va malheureusement que fournir des arguments à un juge fermement décidé à restreindre, voire empêcher l’expression la volonté de ce peuple qu’on déteste.

Pour combattre la « lèpre populiste », telle que Macron la qualifie, quoi de mieux que de disposer d’un outil constitutionnel facile à manipuler permettant de mettre le Parlement au pas ?

 

Demain: le vote de la loi « fake news »

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