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Conseil constitutionnel, attention danger…

Le Conseil constitutionnel s’est mué en ennemi de l’intérieur


Conseil constitutionnel, attention danger…
Siège du Conseil Constitutionnel à Paris, le 13 avril 2023 © Lewis Joly/AP/SIPA

Par une décision du 28 mai, le Conseil constitutionnel, contredisant la loi du 10 juillet 1991, a permis aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier de l’aide juridictionnelle. Le Conseil des Sages, auquel on peut être nommé sans aucune compétence juridique particulière, se comporte comme une institution politique plutôt que constitutionnelle. L’analyse de l’universitaire Raphaël Piastra.


Dans l’un de ses tous derniers ouvrages, Jean-Éric Schoettl mettait en garde sur La démocratie au péril des prétoires (Gallimard, 2022). Selon l’auteur, haut fonctionnaire et ancien secrétaire général du Conseil Constitutionnel, un hiatus s’est fait jour depuis quelques années, entre juge et démocratie représentative. La montée en puissance du premier porte atteinte à la seconde. L’emprise du juge sur la démocratie revêt deux aspects distincts : le droit se construit désormais en dehors de la loi, voire contre elle ; la pénalisation de la vie publique est croissante. Un exemple ? Au nom de la protection, légitime, des femmes, on surmultiplie les actions judiciaires pénales en tous genres. Ces deux aspects sont liés car ils conduisent tous deux à quelque chose de grave : la dégradation de la figure du Représentant. Le premier en restreignant toujours davantage son champ d’action ; le second en en faisant un perpétuel suspect. Le mal qui ronge aujourd’hui la démocratie paraît se situer beaucoup plus là – c’est-à-dire dans l’abaissement du Représentant, dans le rétrécissement de la souveraineté du peuple, dans la rétraction de l’autorité publique – que dans les réactions allergiques que provoque cet affaiblissement de l’État : abstention, populisme, remise en cause du libéralisme. Cet ascendant croissant du pouvoir juridictionnel sur les autres a-t-il amené davantage de rigueur et de transparence dans le fonctionnement démocratique ? Nullement. Il se découvre chaque jour un peu plus qu’il n’a fait que remplacer le caprice du prince par le caprice du juge. D’où la question suprême : quid de la séparation des pouvoirs ?

Un Conseil des sages ?

Alors qu’en est-il de la décision du Conseil constitutionnel du 28 mai 2024 ? La loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique exclut (sauf dans quelques cas) du bénéfice de l’aide juridictionnelle les étrangers – autres que les ressortissants de l’Union européenne – en situation irrégulière. Statuant sur trois « questions prioritaires de constitutionnalité » que lui avait transmises la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel censure, le 28 mai, cette condition relative à la régularité du séjour. L’aide juridictionnelle devra désormais bénéficier aux étrangers en situation irrégulière comme aux Français et aux étrangers en situation régulière. Le lecteur a bien lu ! Le CC, guidé par l’infernal duo Fabius/Juppé, a donc décidé de charger la barque coulante de notre déficit social. Le déficit de la Sécurité sociale a été plus important que prévu en 2023. Attendu à 8,7 milliards d’euros, il a terminé l’année dernière proche de 11 milliards d’euros. Les pseudos sages ont donc décidé aussi d’un appel d’air incalculable pour notre pays déjà si attirant socialement. Et puis, par cette décision inique, le Conseil va aussi permettre d’établir une corrélation supplémentaire (que des esprits idiots refusent) entre immigration et délinquance. Et pourtant elle existe. De plus en plus irréfutable, inexorable même. Plus de 60% des délinquants dans nos prisons sont d’origine, directe ou indirecte, étrangère (Institut pour la Justice).  Mesurons bien comme le dit encore Jean-Eric Schoettl que cette censure prenant effet, par la volonté du Conseil, dès la publication de sa décision, sont concernées toutes les procédures juridictionnelles dans lesquelles les étrangers en situation irrégulière sont parties, qu’il s’agisse des instances relatives au séjour ou des autres contentieux, civils ou pénaux. L’impact pratique est considérable dans l’immédiat. Il l’est aussi sur la longue durée, tant par l’effet incitatif du bénéfice de l’aide juridictionnelle que par le coût budgétaire de la décision et par ses conséquences sur la charge des cours et tribunaux. Rappelons donc que si vous êtes français, que vous gagnez à peine plus que le SMIC, vous n’avez pas d’aide juridictionnelle. Dorénavant un étranger sans papiers, si.. Et s’il commet un délit, comme ce sera le cas à un moment ou à un autre (ne serait-ce que pour survivre), il sera défendu aux frais de la princesse. Notamment contre une très hypothétique OQTF (qui ne sera de toute façon pas exécutée…).

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Comment a argumenté le Conseil ? Il a mis en exergue l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, en vertu duquel la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Si, considère-t-il, le législateur peut prendre des dispositions spécifiques à l’égard des étrangers, en tenant compte notamment de la régularité de leur séjour, c’est à la condition de respecter les droits et libertés garantis par la Constitution et, en particulier, pour se conformer au principe d’égalité devant la justice, d’assurer des garanties égales à tous les justiciables. Le Conseil en déduit que, en privant (dans la plupart des cas et ce qui est légitime) les étrangers ne résidant pas régulièrement en France du bénéfice de l’aide juridictionnelle, les dispositions contestées n’assurent pas à ces derniers des garanties égales à celles dont disposent les autres justiciables et qu’elles méconnaissent donc le principe d’égalité devant la justice. Précisons que l’aide juridictionnelle, comme son nom l’indique, est une aide. Elle ne touche pas aux règles de fond et ne touche qu’extérieurement aux règles de procédure. Il s’agit en fait d’une aide sociale que le législateur devrait être libre de déterminer s’agissant non de citoyens français, mais d’étrangers sans titre. Le délit de défaut de titre pour un étranger (supprimé en 2012 et rétabli en 2023) ne parviendra pas à endiguer les choses. D’autant que les contrevenants ne sont en général pas en mesure de payer la seule sanction qui soit, une amende.

Humanisme ou pragmatisme, quel rôle pour le juge ?

En matière d’aides, le législateur peut certes faire bénéficier les étrangers, y compris les étrangers sans titre, de la solidarité nationale, mais c’est parce qu’il l’estime équitable. Et chacun sait que la France est le pays d’Europe qui est le plus généreux. D’ailleurs est-ce un hasard si toute la misère du monde veut s’y réfugier ?… Un proverbe de notre Bourbonnais natal dit que « les malheureux, le bon Dieu ne les fait pas tous »

Cette aide généreuse que prodigue la France à ceux qui viennent sur son sol, relève uniquement de l’humanité, de l’équité voire de la fraternité. Il s’agit là d’une appréciation souveraine, éminemment politique, non d’une obligation inscrite dans un texte constitutionnel. Et donc en aucun cas juridique. Il s’avère que la souveraineté nationale commande essentiellement le contrôle des flux migratoires, son premier attribut étant la pérennité de la Nation par la maîtrise de ses frontières. On pourrait se dire ne doit venir chez nous l’étranger que nous choisissons en vertu de nos lois et non celui qu’introduit le passeur par lucre ou que fait entrer le militant pour satisfaire sa conscience. Le délit d’assistance à étranger sans papier, s’il est parfois relevé, est très peu sanctionné par le juge droitdel’hommiste. Rappelons que c’est le traité de Schengen, adopté en 1985 et 1990, qui consacre le principe de la liberté de circulation des personnes (art. 3 du traité sur l’Union européenne – TUE) et implique que tout individu (ressortissant de l’UE ou d’un pays tiers), une fois entré sur le territoire de l’un des pays membres, peut franchir les frontières des autres pays sans subir de contrôles. Dès lors qu’un immigré en situation irrégulière pénètre sur le sol européen, il va partout où il veut. Et c’est alors la vague porteuse notamment de la délinquance. Et, dorénavant, il a par la grâce du CC, droit à une aide juridictionnelle. Aide d’Etat donc financée par le contribuable…  Ah ce contribuable que l’Etat aime tant à saigner telle une bête d’abattoir avec l’aval du juge en plus !

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La tendance jurisprudentielle à faire bénéficier également Français et étrangers de la solidarité nationale, au nom d’un devoir de fraternité universelle, satisfait certes notre conscience humanitaire. Il est des gens dont nous sommes qui deviennent de plus en plus indifférents à çà et qui préfèrent se soucier de combien cela va encore nous coûter…  A ce titre un récent rapport de la Cour des Comptes a souligné que le budget de l’aide juridictionnelle a fortement augmenté, les dépenses passant de 342 millions d’euros en 2017 à 630 millions en 2022 (soit +13% l’an).

« Le Conseil s’est comporté en ennemi de l’intérieur »

L’humanitaire n’a selon nous rien à faire à ce niveau. Trop d’impératifs sont en effet en cause qui appellent l’arbitrage du législateur et devraient inspirer au juge de la loi un comportement moins prétorien : le consentement à l’impôt, la maîtrise des finances publiques, la régulation des flux migratoires, la confiance de nos concitoyens dans la capacité des pouvoirs publics à régler les problèmes qui les préoccupent. La solidarité ou la fraternité automatiques que le CC impose à la Nation va indisposer nos compatriotes contre nos politiques d’accueil, voire contre l’Etat providence.

Il y a quelques années déjà, David Kessler conseiller d’Etat, avait appelé ses pairs à un « nécessaire réalisme » notamment sur des décisions régaliennes. On doit noter que le Conseil d’Etat en fait preuve assez souvent (ex : fermeture de mosquées salafistes, expulsions d’imams); le CC, jamais. Cette décision sur l’aide juridictionnelle le prouve. Il n’a aucune idée de l’impact de ses décisions. Rappelons ici la loi de 2021 imposant une « surveillance » des terroristes sortis de prison. Le Conseil censura ce texte attentatoire aux droits de ces individus. Comme si ces individus n’avaient pas fait assez de mal, comme s’il n’y avait pas un risque de récidive énorme… Comme s’ils étaient des individus voire même des êtres normaux, ordinaires. Ils sont des criminels à vie programmés pour imposer leur jihad et vaincre les mécréants que nous sommes. Le CC n’a rien compris sur ce point. Alors oui, personne ne contestera qu’il y a nos droits et libertés gravés dans le marbre de 1789 et 1946. Mais, nous le redisons ici, les réalités de ces époques n’ont strictement plus rien à voir avec celles de 2024. Deux mots devraient habiter celles et ceux qui siègent au CC : le réalisme et l’adaptation.

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Donc voilà, une fois encore le Conseil s’est comporté en ennemi de l’intérieur. Il commet de plus en plus d’appels d’air à HPN (haut potentiel nuisible). Il faut en ce sens poser tout de même une question sur le mode nomination. Il est exclusivement politique puisque réalisé par le chef de l’Etat et les présidents du Parlement. Présentement, si l’on excepte A. Juppé (tout de même rallié au macronisme en vue de sa nomination), tous les autres sont gauchistes, centre gauchistes ou macronistes. En toute certitude, ils sont aussi toutes et tous droitdelhommistes. Sauf incident, les prochaines nominations se feront en 2025. On est en droit d’espérer que le président du Sénat pourra envisager quelqu’un qui soit d’inspiration libérale ?! Mme Braun-Pivet et M. Macron, de leur côté, feront certainement encore droit à des fidèles !

Précisons encore qu’aucune condition de compétence en matière juridique n’est exigée par la Constitution pour pouvoir être nommé, ce qui distingue le Conseil constitutionnel de toutes les autres cours constitutionnelles des grandes démocraties libérales. A ce titre depuis le départ de Mme Belloubet (2017), il n’y a plus aucun professeur de droit dans ce cénacle. Certes il y a des juristes (anciens hauts magistrats en recyclage, avocats sans cause). Rappelons quand même qu’y ont siégé le doyen Georges Vedel et Robert Badinter. Les décisions y étaient d’une toute autre tenue. Dans la majorité des pays de l’UE qui ont un contrôle de constitutionnalité, il y a des professeurs de droit notamment public qui siègent. Incontestablement, ça ne nuit pas ! 

Lorsqu’il présenta la Constitution en 1958 M. Debré précisa qu’« il n’est ni dans l’esprit du régime parlementaire, ni dans la tradition française de donner à chaque justiciable le droit d’examiner la valeur de la loi ». Donnez une question de priorité constitutionnelle (2008 N. Sarkozy) à un CC politisé et voilà le résultat….

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Maître de conférences en droit - Université Clermont Auvergne

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