La guerre des chefs se prépare à l’UMP. Le parti doit choisir son nouveau président en novembre. Deux candidats se détachent : François Fillon et Jean-François Copé. Tous deux visent l’Elysée en 2017, l’UMP n’étant qu’un tremplin. Et qu’est-ce qui les différencie ? Pour certains commentateurs, Copé serait plus à droite que Fillon notamment sur les questions d’immigration et de sécurité. Mais Fillon a choisi pour directeur de campagne Eric Ciotti, habitué des annonces dites « sécuritaires ». La différence reste donc ténue.
L’autre aspect serait alors leur attachement au sarkozysme. Jean-François Copé ne fait pas mystère de son sarkozysme forcené. Il était en bonne place à Nice lors du rassemblement des Amis de Nicolas Sarkozy aux cotés des gardiens du temple Brice Hortefeux ou Christian Estrosi. Il a déjà rencontré Sarkozy ce vendredi au Cap Nègre après un premier déjeuner en juillet.
Le maire de Meaux a officialisé sa candidature dimanche dernier en rendant hommage à l’ex-chef de l’Etat : « Je le dis très clairement à tous ceux qui voudraient remettre en cause son action : ils me trouveront sur leur route pour défendre son bilan et sa personnalité ». Il a répété les mêmes mantras que son nouveau mentor : sécurité, immigration, refus de l’assistanat.
Un discours qui paraît cocasse avec le recul. Depuis 2007, Copé n’a jamais caché sa distance voire sa rivalité avec Nicolas Sarkozy. Comme chef des députés UMP de 2007 à 2010, il a voulu s’opposer à l’ « hyperprésident » prônant la « co-production législative ». En mai 2008, il disait au sujet du président d’alors dans le JDD : « Nous sommes différents. C’est ainsi. Quand les uns et les autres ont des avis contraires, faut-il le vivre comme un psychodrame ? ». Il lui reprochait aussi de l’avoir écarté du gouvernement. « Quand vous servez votre pays pendant cinq ans comme ministre, que vous vous êtes beaucoup battu pour que votre candidat gagne et qu’il vous accueille – très gentiment – en vous disant : « Eh bien, tu ne seras plus ministre », vraiment, ça m’a fait mal à l’estomac », disait-il en janvier 2009 sur France5.
De frère ennemi, Copé est devenu fils spirituel avec la complicité involontaire de journalistes à la mémoire courte. Mais il lui fallait bien ça pour se faire une carrure. Fillon a l’avantage d’avoir la stature d’homme d’Etat et l’expérience de Matignon. Les fillonistes misent d’ailleurs sur le déficit d’aura de Copé : « Ce que veulent les électeurs de l’UMP, c’est un chef, pas un super G.O. qui s’occuperait de l’UMP sans leur donner de vision », a estimé Laurent Wauquiez.
De son côté, Fillon souffle le chaud et le froid. Dans Le Point, il a défini le fillonisme « comme une approche plus sereine et pragmatique des choses » que le sarkozysme. Une de ses fidèles Roselyne Bachelot, à la manière d’un Jospin, a elle réclamé un « inventaire » du sarkozysme. Coïncidence ou pas, l’ex-Premier ministre était absent du rassemblement de Nice, contrairement à ses proches Wauquiez ou Ciotti, pour cause de jambe dans le plâtre.
Pourtant, fin juin dans le JDD, Fillon jouait lui aussi à la groupie sarkozyste : « Toute critique visant Nicolas Sarkozy me vise en même temps. Je suis solidaire de la totalité de l’action qui a été menée ». Faisant sa rentrée politique dans la Sarthe ce dimanche, il a lancé à tous ceux qui lui reprocheraient un manque de fidélité : « Ceux qui font ça, ils ne m’impressionnent pas, parce que ça fait cinq ans qu’ils font ça (…) ». Il devrait lui rencontrer l’ex-président à Paris.
Là est toute l’ambiguïté de la relation de l’UMP à Sarkozy. D’un côté, il reste une référence majeure et certains voient dans ses 48,4% une défaite honorable qui est loin de l’enterrer. De l’autre, pour 2017, le candidat UMP devra incarner le renouveau face aux Français. Nicolas Sarkozy avait percé en rompant avec Jacques Chirac… tout en siégeant dans son gouvernement.
Mais qu’est-ce que le sarkozysme ? A quelle idéologie se rattache-t-il ? On a décrit Sarkozy comme sécuritaire mais il a considérablement réduit les moyens de la police. Il a voulu réduire les impôts mais une de ses dernières mesures fut d’augmenter la TVA. Il dit défendre l’identité nationale mais s’est vanté d’avoir nommé un « préfet musulman ».
Sa spécialité, c’était l’agitation médiatique, promettre en fonction des sondages et des opportunités médiatiques. En vérité, le sarkozysme n’a pas de fondement idéologique, ni à la droite de la droite, ni ailleurs. Ce n’est pas un néo-maurrassisme ni un lepénisme soft mais du marketing politique de bas étage. C’est un mouvement qui n’existe que dans la fidélité à un homme, avec une tête mais sans colonne vertébrale. Sans Sarkozy, le sarkozysme n’est plus rien. Ce qui n’empêche pas Copé et Fillon de s’en revendiquer plus ou moins clairement. C’est dire le vide de cette campagne interne.
*photo : UMP
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