Les cabinets ministériels sont composés d’une caste complètement déconnectée de la réalité. Comme les toilettes, ils s’apparentent à un lieu clos et secret pour le grand public.
Plusieurs mots désignent ce lieu d’aisance où nous allons soulager nos humeurs physiques ou mentales, lire un magazine, tresser des cordes pour la marine. Les toilettes sont le terme le plus courant. Le vulgaire dira chiottes, le familier suggérera le petit coin. Le cabinet fait aussi partie de cet attirail. Il est drôle d’imaginer que le directeur de cabinet d’un ministère ou de l’Elysée est aussi un directeur des chiottes. Pourquoi utiliser ce terme ? Il suggère l’isolement, le lieu clos, le secret, la retraite. Il convient superbement à ce burlesque carnaval de décisions que nous subissons tous depuis la crise Covid dans une absurdité sans fond, stupide, décalée, irréelle. Des cabinets ou des chiottes, il ne sort décidément que le même matériau dans les tuyaux.
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Dans un processus immuable, tout commence par un orage de communication avec force déclarations. Puis on essaie de mettre les textes en accord avec des mots prononcés à la hâte. Alors entrent en jeu ces cabinets ministériels. Quelques jeunes gens bien instruits confondent instruction et intelligence. Ils s’enivrent à la pratique du pouvoir absolu. Ils vont rédiger dans la nuit des textes abscons qui s’imposeront demain aux Français. La nuit, on est tranquille, pas de maires, de parlementaires ou d’experts pour nous expliquer la réalité du terrain. L’extase de la puissance souveraine les saisit. Ils vont imposer des mesures à tous les Français. Ils savent tout.
Un petit cercle déconnecté des Français
Comme ils sont pressés, ils vont définir à la hâte un scenario qui s’inspire de leur cercle familial, de leurs amis proches, de leurs relations, de leur vie quotidienne. Ils sortent tous du même moule. Et là commence le problème. Ce petit cercle ne vit pas du tout comme les Français et n’en a pas la plus petite notion. Il a découvert les gilets jaunes comme une jacquerie sous Louis XIV. Il lui est difficile d’imaginer la vie quotidienne d’un fleuriste, d’un hôpital, d’un agriculteur, d’un restaurateur, d’un boulanger, d’un routier et même d’un fonctionnaire de terrain. En fait, ces jeunes gens des cabinets ministériels ne savent rien, ni de la France qui travaille et produit, ni de celle qui souffre, ni de celle qui réfléchit et analyse. Ils n’ont jamais fait que de la théorie en chambre, puis en cabinet, suspendus dans une canopée qui ne voit jamais le sol, comme en Amazonie.
Ils sont là le temps de gesticuler suffisamment pour se faire remarquer et atterrir dans un poste confortable où ils commettront d’autres actes aussi absurdes envers leur personnel, leur public. Ceux qui seront lucides parmi eux quitteront rapidement cette folie, soit éliminés car trop dangereux, soit écœurés par cette triste vérité du pouvoir. Nos « élites » des cabinets ministériels ne procèdent plus de la compétence mais de la cooptation selon des circuits obscurs et consanguins.
La crise Covid contribue simplement à révéler à la lumière ce terrible mal français d’une technocratie devenue ridicule à force d’être absurde, clergé sans dieu, robots du pouvoir, déni quotidien de notre démocratie. La France est le dernier pays en Europe à déployer ces aéropages antiques en hôtel particulier, là où un ministre allemand utilise simplement trois personnes pour diriger son administration et en connaitre parfaitement les rouages au contact du public. Les fonctionnaires eux-mêmes seraient-ils de la caste des intouchables au point qu’un ministre ne les contacte que par son cabinet ?
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