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Un week-end au temps du confinement…

Qu’est-ce que ça change ? Pas grand-chose.


Un week-end au temps du confinement…
Capture Youtube, Guy Debord.

Un lundi comme un dimanche, le virus ne nous ménage pas, alors confinés pour confinés…


J’ai vu que beaucoup de journaux, de reportages tournaient autour du « premier week-end du confinement » et de l’angoisse et de la frustration qui pourraient apparaître à cette occasion. Le virus partage pourtant ce point commun, encore un, avec le capitalisme, qu’il ne connaît que le temps de la production et de la réplication à l’infini. On pourra se reporter au livre d’Edward P. Thompson, Temps, discipline du travail et capitalisme industriel (La Fabrique) ou encore au chapitre 6 de La société du spectacle de Debord intitulé « Le temps spectaculaire ». Ils rappellent tous les deux que le capitalisme est aussi, depuis son apparition, un aménagement autoritaire du temps humain et que son ambition est de le contrôler dans les moindres aspects de notre vie, y compris quand il nous accorde, de plus en plus parcimonieusement depuis quelques années, ce qu’il appelle des « loisirs ».

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Le virus, comme le capitalisme, n’a jamais aimé les samedi et les dimanche, quand les êtres humains pouvaient encore se retrouver ensemble autour d’une table, ou sur les terrains de sport, sur les bancs d’un stade ou sur une chaise longue à lire pendant des après-midi qui prenaient des allures d’éternité dans les parcs, dans les jardins, sur les plages. Voire de se retrouver pour discuter de la condition qui leur était faite et de s’organiser pour la changer.

Regret d’une illusion

Il y a quelque chose de tragi-comique à faire comme si cela présentait la moindre importance que nous soyons « en week-end » au temps du Covid-19. C’est oublier qu’avant le virus, déjà, nombre de travailleurs avaient perdu la jouissance du dimanche et que n’importe quelle grande métropole mondialisée montrait depuis longtemps déjà des week-ends qui ressemblaient à n’importe quelle autre journée de la semaine, dans le présent perpétuel de la production et de la consommation. Que beaucoup de gens, déjà, n’avaient plus de dimanche, comme les soignants, justement, ou les routiers arrêtés sur les aires d’autoroute ou encore ceux que les valets médiatiques du pouvoir insultaient à cause de leurs « régimes spéciaux » et qui pourtant leur permettaient en deux heures de TGV de rentrer le dimanche soir de leur résidence secondaire pour aller faire du bruit avec la bouche sur les plateaux d’infos continues.

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C’est oublier aussi que confiné un lundi ou confiné un dimanche, c’est toujours être confiné et que regretter les week-ends d’autrefois, c’est regretter le rêve d’un temps libre qui, déjà, avait virtuellement cessé d’exister. Comme il semblerait, en plus, que la période que nous vivons, en favorisant le télétravail et l’isolement du télé travailleur préfigure la société rêvée par nos maîtres, il n’appartiendra qu’à nous, encore une fois, quand nous pourrons ressortir, de refuser violemment cet ordre mortifère, de dire non à ceux qui sont déjà, car l’occasion fait le larron, en train de réaménager le code du travail au nom de l’état d’urgence sanitaire.

Il faudra se battre, et pas seulement en (nous) applaudissant, mais en exigeant « le dimanche de la vie », utopie entrevue par Hegel quand il contemplait les joyeuses représentations de la peinture flamande de Breughel et quelques autres où l’on festoie dans un temps non plus libre, mais enfin réellement libéré.

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