Ma guerre en short. La chronique de Cyril Bennasar.
Quand la société est menacée et que l’État prend des mesures d’urgence, l’immense majorité des Français comprend la nécessité de la chose, consent à des sacrifices, fait ce que dit le gouvernement et se soumet aux impératifs du bon sens et de la raison. Mais il y en a toujours à qui on ne la fait pas, qui veillent et qui ne l’entendent pas de cette oreille.
« Qui a le droiiiiit? »
Immanquablement, des lanceurs d’alerte spécialisés dans la liberticidité s’évertuent à réveiller leurs concitoyens plutôt confiants pour les prévenir des vrais dangers qui les menacent, et qui ne sont pas ceux qu’ils croient. Quelle que soit la nature ou l’ampleur des risques qui pèsent sur la population, ils ne tremblent que pour les droits qu’on enfreint, les libertés qu’on réduit, les valeurs qu’on abîme. Quand la maison brûle, on les voit en travers du passage des pompiers qui courent pour sauver des gens et on les entend leur demander « Mais de quel droit ? »
Quand l’État trouve le courage de combattre le crime, ils viennent demander des comptes. Mais de quel droit l’état d’urgence se permet-il, avec nos compatriotes Daesh-friendly, des manières que jamais l’État de droit ordinaire n’aurait tolérées ? Mais de quel droit des policiers osent-ils lancer sur des bandes sauvages qui veulent leur faire la peau des projectiles qui pourraient faire des blessés ? Mais de quel droit pose-t-on des caméras, et de quel droit met-on au bloc pour quelques heures quelques Black blocs, et de quel droit arrête-t-on plus de jeunes noirs à Évry que de vieilles blanches à Neuilly ?
Toujours quelque chose à dire
Souvent juristes ou journalistes, toujours casse bonbons, ils sont sur tous les fronts pour chercher des poux. Ils regardent les procédures, comptent les bavures, ils pinaillent, contestent et dénoncent ce que nous citoyens ordinaires ne remarquons pas : les atteintes à nos libertés. Enfin « nos », c’est vite dit. Qu’ils le veuillent ou non, mais on peut croire qu’ils s’en moquent, ces experts en droit de l’homme à désarmer l’État défendent surtout la liberté du djihadiste français de vivre en France, ou celle d’assassins psychopathes notoires d’aller et venir, ou encore celle des jeunes de brûler des voitures tous les ans à la sainte racaille, pas tellement la liberté de ma fille de prendre le RER la nuit en banlieue, ni par les temps qui courent, celle de ma mère de passer à travers les gouttelettes…
A lire aussi, l’éditorial d’Elisabeth Lévy: Garde ta main, je reprends la mienne!
Aujourd’hui, même dans le difficile combat contre la pandémie, si l’action de l’État jette la moindre petite ombre sur le totem de la liberté de l’individu, ils n’ont aucun tabou et trouvent encore à redire. Ils nous préviennent que sous prétexte de nous maintenir en vie, nous sommes victimes d’abus de pouvoir, de violation de nos droits à submerger les hôpitaux, de privation illégale de nos libertés à répandre le virus. Le despote à venir n’est pas botté, il a des crocs aux pieds et une blouse blanche. Ils préviennent les Bisounours que nous sommes du risque totalitaire caché entre les lignes du décret d’état d’urgence sanitaire. Ils s’inquiètent que le confinement n’ait pas de date de fin, s’alarment sur les séquelles du traçage dans nos téléphones, s’insurgent contre le dictat des autorités médicales. À les entendre, pendant que nous autres, confinés et disciplinés, ne voyons que les morts à l’hôpital, c’est la liberté qu’on assassine. On aurait donné les pleins pouvoirs à Pétain en croyant les avoir donnés à Pasteur…
Elisabeth Lévy et Edwy Plenel dans le même bateau ?
Je pense au médecin débordé qui entend Eric Naulleau dans la télé allumée d’un malade dont l’état s’aggrave et à qui on n’arrive pas à trouver une place en réanimation : « Ce confinement, on sait quand il a commencé et on ne sait pas quand il va finir, c’est embêtant. On a déjà vu des mesures provisoires qui duraient. Les régimes totalitaires ne s’installent pas autrement. »
Je pense au même qui soigne dans la hantise de voir venir le moment où il devra choisir qui sauver, et qui entend Elisabeth Lévy : « L’impératif sanitaire est important, mais il ne doit pas tout écraser sur son passage. L’intrusion de l’État dans l’intime ne peut être que provisoire et proportionnée. Où est le secret médical ? Sommes-nous prêts à tout sacrifier pour échapper au risque du Covid ? Et si pour rester en vie, on vous demandait de rester confiné dix ans, vous accepteriez ?»
Mais qu’est-elle venue faire dans cette galère, notre chère Elisabeth, à ramer dans le même sens qu’Edwy Plenel ? Il y a sûrement des subtilités qui m’échappent mais je ne vois pas un gouvernement qui n’a même pas le courage de faire régner l’État, adopter des pratiques surveillantes, autoritaires, régulatrices, répressives. Et je le regrette. Pratiqué avec mesure et discernement, le confinement pourrait avoir des effets désirables. Pourquoi pas une journée sans Chinois, confinés dans leurs quartiers pour qu’on revoie Versailles ? Ou une semaine sans touristes, coincés à l’hôtel du lundi au samedi, pour qu’on retrouve Paris ? Ou un mois de confinement pour les ZAC, ZEP, ZUP de Seine-Saint-Denis, en été, pour ne pas se faire cambrioler ? On peut rêver…
Relire la chronique d’hier: Du confinement pour qu’on nous foot la paix
Plutôt qu’un gouvernement avide de contrôle, plutôt qu’une dictature soft en marche, je vois un pouvoir qui brille par son impuissance, des dirigeants qui naviguent à vue, des portes-parole qui bredouillent, des préfets qui s’embrouillent, des maires qui se débrouillent. Je vois aussi pendant que des soignants sauvent des vies et parfois en meurent, des journalistes qui s’interrogent et des éditorialistes méfiants. J’ai choisi mon camp, celui des obéissants, des crédules, des confinés confiants. Je suivrai plutôt la parole des infirmières, les consignes des pouvoirs publics et l’avis des médecins à l’œuvre que les chroniques d’une dérive fascistoïde ou les envolées métapolitiques des intellectuels paranorwelliens.
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