Dorénavant, les célébrités satisfont leur narcissisme (inhérent à la société actuelle) en étalant leur vie et leurs états-d’âmes dans des « oeuvres ». La production artistique ne découle plus de l’artiste mais incarne l’artiste même, dont le sujet doit déchainer les passions.
Il paraît que musiciens, présentateurs et comédiens se livrent de plus en plus sur leur vie intime, dans des livres, des chansons ou sur scène (Le Parisien).
Pour quoi faire ? Pourquoi, aujourd’hui, l’exhibition est-elle devenue non plus une tare mais une obligation ?
Je me demande si cette présentation sans fard de soi ne démontre pas la pauvreté de l’imagination, le caractère relatif du talent, qui a besoin de disposer d’un capital personnel pour s’exprimer.
Mais aussi le narcissisme de certaines personnalités qui s’imaginent que leur « je » est universel et va intéresser bien au-delà de leur cercle immédiat…
J’admets que chaque subjectivité a ses préférences, ses dilections. En ce qui me concerne, il y a des êtres qui sont placés dans la lumière qui ne m’intéressent absolument pas parce que, à tort ou à raison, je suis persuadé qu’ils ne m’apporteront rien, qu’aucune de leurs pensées, aucun de leurs sentiments ne m’enrichiront. Non pas qu’ils soient forcément médiocres mais plutôt à cause de l’intuition qu’il y a des artistes, des vedettes dont la réputation n’est pas à la hauteur de ce qu’ils croient devoir nous transmettre, qui oscille souvent entre le banal ou l’insignifiant.
Le paradoxe est que la grande littérature – par exemple celle d’Annie Ernaux – est de plus en plus centrée sur l’auteur, son univers, et que le commun s’imagine qu’après tout il est infiniment simple de se montrer, de se décrire et de se proposer comme modèle. La conséquence en est que nous vivons dans un monde appauvri parce que les richesses dont on nous gratifie ne sont pas de qualité et que pour une artiste ou un chanteur brillant, passionnant, on doit en subir tant qui ne méritent pas le détour.
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Les confessions intimes sont la rançon d’une universalité défaillante. Le coeur vulgaire ou démagogique d’une humanité qui ne sait tourner qu’autour d’elle-même, en cherchant à se faire passer pour l’essentiel.
Qu’on compte tous ceux qui, dans l’impudeur, l’indécence ou la vulgarité, évoquent leur santé, leurs maladies, leurs états d’âme, leurs turpitudes, leurs faiblesses. Faute d’avoir des grandeurs et des noblesses à raconter, on s’abandonne à des petitesses et à de minuscules péripéties.
Par ce billet, je semble quitter la politique mais pourtant je suis frappé par un vice qui est consubstantiel à cet univers : l’inégalité intellectuelle. On n’ose pas le dire mais il suffit de suivre les débats de l’Assemblée nationale pour constater que, par exemple à La France insoumise, pour un François Ruffin de plus en plus lucide, on a un Thomas Portes dont une intervention adressée à Gérald Darmanin a été totalement délirante.
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Il n’est pas élégant de souligner comme, derrière l’humanisme abstrait qui se plaît à ne distinguer personne, il y a d’incontestables hiérarchies, des supériorités et des infériorités, que tout ne se vaut pas, que les confessions intimes des uns auraient dû demeurer dans le for intérieur, alors que d’autres trop rares ont cet immense avantage de nous parler de nous au travers d’elles.
Parce que je crois à la dure et implacable loi d’un monde qui n’a de cesse, pourtant, de tenter de se masquer la vérité : il y a ceux qui ont la grâce et les autres qui en sont orphelins.
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