Depuis que la conférence de presse du Président était annoncée, deux jours après le vote de confiance à l’assemblée, on était en droit de se demander ce qu’il allait trouver à dire. Et ce pour deux raisons : d’abord parce que c’est pas facile de parler quand on n’a rien à dire, ensuite parce que c’est pas facile de parler quand personne ne vous écoute.
Et si François Hollande a pu s’acquitter de cette mission, sans contenu ni audience, c’est parce qu’il est entouré et conseillé par des experts du paraître… ou de la mystification, c’est selon. Ainsi a-t-on pu lire çà et là, quelques conseils donnés au Président –par ses amis- pour son grand oral. Et c’est la nature de ces conseils qui fait frémir plus encore que le médiocre résultat au pupitre.
Des solutions, des pistes de réformes, des stratégies de changement et de rassemblement susceptibles d’emporter l’adhésion des Français ? Un moyen de fédérer autour d’un projet de reconquête ? Pour quoi faire ? Les éminences grises planchent sur la posture, la gestuelle à adopter, le message. Il faudra donner le change, se montrer comme, avoir l’air de, passer pour, incarner, représenter. « Baisse la tête, t’auras l’air d’un coureur », pendant qu’on y est.
C’est ce qui donne cette attitude fabriquée et cousue de fil blanc, composée d’anaphores pesantes et de « j’ai décidé » -ça fait Président a-t-on du lui souffler en haut lieu. Un discours émaillé de « la France, elle » et « les français, ils », de boutades qui font long feu et de pathétiques justifications.
Hors une très vague maîtrise de l’embobinage collectif, nous n’avons plus rien à offrir.
Le vertige du pouvoir est tel qu’il conduit à un dédoublement de personnalité. Le Président ne peut rien, mais son image doit subsister. Tel une illusion d’optique, l’avatar de ce personnage, dont l’échec est avéré, doit persister coûte que coûte. Et cela mobilise plus encore que la faillite programmée de notre économie.
Mais ce pauvre Hollande, qui finira à coup sûr par inspirer la pitié après la colère, n’est pas la seule victime de cette schizophrénie. Il fallait observer Manuel Valls hier qui, comme un toutou de plage arrière, hochait la tête aux propos de son Président dès qu’il repérait une caméra braquée sur lui.
Intéressante également, la posture des frondeurs qui veulent bien se montrer aussi, bomber le torse éventuellement, mais ne sont pas suffisamment en désaccord pour mettre leurs sièges dans la balance.
De même, dans l’opposition qui se cherche un leader depuis trop longtemps, on nous décrit l’attente hystérique dans laquelle vivraient les inconditionnels de Sarkozy. Conspué hier, il serait le messie de demain ? Souvent femme varie, parfois français aussi ! Mais sauveur, quand même, ça se mérite. Le projet doit être sacrément ambitieux.
Que savons-nous d’ailleurs de son éventuel projet pour la France ? Rien ou si peu. Il s’agit pour l’instant d’une affaire beaucoup plus sérieuse. D’un teasing savamment orchestré, d’une mise en conditions des futurs électeurs, comme autant de midinettes avant l’entrée en scène de leur rockstar. Viendra, viendra pas ? Quand ? Par quel média ? Barbu ou rasé ? Autant de questions cruciales au regard de notre avenir.
Quand les adultes se comportent en ados et que seule compte à leurs yeux l’image qu’ils renvoient d’eux-mêmes ou l’opportunité qu’ils auront de durer, comment ne pas être inquiet quand à leur sens des responsabilités ?
C’est pas facile et en plus c’est pas ma faute…
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