A l’occasion de la journée internationale contre les violences faites aux femmes, Nadine Morano, ancienne secrétaire d’Etat à la famille, se félicite que ce tabou soit enfin brisé. Il paraît que maintenant on peut en parler. Et qu’avant, personne n’osait.
J’espère que vos commentaires viendront à ma rescousse pour confirmer que ce que j’ai entendu aujourd’hui, je l’ai aussi entendu l’année dernière, et l’année précédente, depuis une quinzaine d’années. Je sais ainsi depuis longtemps qu’une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint. Et évidemment, ce chiffre me révolte, moi aussi.
Il y a néanmoins quelque chose qui cloche. Car lorsque ministres, journaux, télés et radios évoquent ce phénomène, ces 146 femmes décédées sous les coups de leur mari en 2010, ils parlemt des « victimes de violences conjugales ». Et oublient alors systématiquement les 28 hommes morts dans les mêmes conditions, soit un tous les 13 jours. Pour la quasi-unanimité, ces 16 % des tués dans le cadre du couple ne comptent pas. Ils n’existent pas, ou plutôt, ils n’ont jamais existé.
C’est pourtant le même organisme, la délégation aux victimes rattachée au ministère de l’Intérieur, qui fournit des chiffres complets et très instructifs à ce sujet. Cette institution nous apprend notamment que les victimes féminines sont la plupart du temps maltraitées après une rupture. Et que ce sont des disputes qui aboutissent le plus souvent aux morts masculines.
Certes, les femmes victimes sont plus nombreuses, mais est-ce une raison pour oublier les autres ?
La violence à l’encontre des hommes demeure un tabou plus important encore que celle infligée aux femmes. Si je me félicite qu’elle ne fasse pas l’objet d’une journée internationale de plus, il ne serait pas complètement incongru que ministres et médias ne la passe pas sous silence à chaque fois qu’ils évoquent la violence conjugale. Surtout lorsqu’ils insistent sur le fait qu’il est difficile pour les femmes de déposer plainte.
Car il ne doit pas être davantage aisé, pour un mec, surtout dans la société patriarcale que l’on nous dépeint, d’aller au commissariat raconter qu’il vient d’être corrigé par sa femme. Plutôt moins, me souffle-t-on.
C’était ma contribution annuelle à la concurrence victimaire.
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