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Le compromis ou la chienlit

L’édito politique de Philippe Bilger


À l’exception de grèves à la SNCF, évidemment décidées aux dates les plus sadiques possibles, la chienlit, criante lors du discours de politique générale de Mme Borne à l’Assemblée, ne s’observe heureusement pas ailleurs dans le pays. L’attitude déplorable, et finalement peu commentée, des députés d’extrême gauche, n’est pas rattrapée par les propos peu amènes de l’exécutif. Les compromis politiques seront difficiles à obtenir.


On peut dire que cela a commencé après le second tour des élections législatives. Le sentiment majoritaire dans le pays que malgré la majorité relative de Renaissance rien n’avait vraiment changé en politique, pour le gouvernement comme pour la pratique présidentielle, et que l’éloge du compromis n’était que l’obligation de faire, contre mauvaise fortune, bon cœur apparent. Les idées succédanés des chagrins, avait écrit Marcel Proust.

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Mais, en considérant ce qui se passe à l’Assemblée nationale, ce haut lieu de la vie démocratique, quel terrifiant constat on est conduit à faire. Un mélange de grossièreté et de puérilité.

Le niveau baisse

Le refus de serrer la main de tel ou tel député RN quand on est un jeune homme non éduqué peut apparaître comme une peccadille.

L’insoumis Louis Boyard refuse de serrer la main au député RN Philippe Ballard, lors du vote pour la présidence de l’Assemblée nationale, Paris, le 28 juin 2022, D.R.

La marche faussement décontractée et vraiment ridicule de quelques ministres précédés par la Première ministre qui songe évidemment à autre chose avant son intervention capitale à 15 heures ne relève pas le niveau.

Mais la honte est absolue devant l’attitude collective de LFI lors de son discours de politique générale. Je sais que le chahut politique n’est pas d’aujourd’hui mais il a atteint le 6 juillet un comble d’indécence et de vulgarité. Sans le moindre esprit ni talent. Le savoir-vivre et l’élégance d’écouter sont jetés aux chiens.

Je ne suis pas persuadé qu’un homme aurait eu droit au même traitement et que, si Jean-Luc Mélenchon avait été député et de fait responsable de son groupe, les choses auraient tourné de la même manière, avec une telle indélicatesse républicaine. Je n’ose imaginer les réactions médiatiques si le RN s’était comporté avec cette même attitude : il aurait été voué aux gémonies. Mais, pour LFI, on prend acte et on ne condamne pas. Les applaudissements systématiques de Renaissance pouvaient agacer mais ne justifiaient en rien ce vacarme constant et si peu digne.

Faure ambigu sur la police, et un cercueil devant l’Assemblée

Quand la Première ministre rend hommage si légitimement à la police et que tous les députés, sauf ceux de la Nupes, se lèvent pour exprimer leur assentiment et applaudir, il y a là une traduction indiscutable de la très médiocre tonalité républicaine de ces sectaires qui n’ont même pas de courage : Olivier Faure est resté assis alors qu’il avait dénoncé le « la police tue » de Jean-Luc Mélenchon.

Pourtant, par souci d’équité et respect de la nuance, je considère qu’il n’est pas nécessaire d’intenter de faux procès à LFI quand tant de justifiés doivent l’être. Quand la présidente du groupe, Mathilde Panot, à l’égard de laquelle je n’ai pas la moindre dilection politique, parle de « rescapé » pour Elisabeth Borne, au regard du contexte on comprend évidemment qu’elle n’offense pas un passé tragique mais qu’elle fait référence seulement à une situation politique. Le vocabulaire le plus neutre, le plus ordinaire, n’est pas encore interdit dans notre monde à cause de l’Histoire, du moins je l’espère !

Malheureusement pour LFI on n’a pas à s’arrêter là ! À l’extérieur quelques députés, dans une pitoyable séquence, ont cru être drôles en « enterrant » le Front républicain et en singeant un mariage entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Il y a certains de leurs électeurs qui ont dû se retourner dans leur isoloir !

Plusieurs députés insoumis, dont Louis Boyard, organisent devant l’Assemblée Nationale un faux mariage d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen avec un cercueil. Capture d’écran Twitter.

Inélégance généralisée

Il serait malhonnête, au prétexte de ces outrances trop fréquentes (euphémisme!), de passer sous silence une exacerbation soft, des mots sans pensée ayant clairement dégradé un climat qui n’avait pas besoin de ces adjuvants délétères pour sombrer. Le président de la République n’est pas innocent quand il ostracise deux partis qui ne seraient pas de gouvernement à l’Assemblée nationale mais qui ne représenteraient à eux deux que la bagatelle de 15 millions de Français !

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L’argumentation vaut aussi pour Pap Ndiaye, voulant tous les compromis sauf avec le RN, et pour Gérald Darmanin tellement désireux de faire oublier ses migrations partisanes qu’il en fait trop ! Quelle aberration à la fois méprisante et inappropriée que cette distinction entre adversaires et ennemis (LFI et RN). Alors que par principe les députés sont tous égaux en dignité à l’AN. Je sais bien qu’à leur manière moins souple, ces ministres ne font qu’emboîter le pas au président mais cela ne les exonère pas de leur choquante inconditionnalité.

Je regrette d’ailleurs à ce sujet que la Première ministre n’ait pas eu le courage, ou la sagesse, d’insérer dans son propos une double référence qui a manqué pour les entretiens qu’elle a eus : à Marine Le Pen et à Mathilde Panot. Comme un manque d’élégance de la part d’une personnalité qui a supporté pourtant avec beaucoup de classe, avec une présidente de l’AN en formation, le lamentable et impoli brouhaha de l’extrême gauche… On n’a jamais connu un tel début de quinquennat. Avec le paradoxe que pour l’instant la chienlit n’est pas dans le pays – je n’approuve pas pour autant le recours à la grève la plus sadique possible – mais dans le monde politique largement entendu. Quand la France attend qu’on relève les défis qui la concernent et les maux multiples dont elle souffre.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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