Gérard Depardieu a-t-il fait une blague salace sur une fillette dans un haras nord-coréen ? C’est ce que montrent les images et leur commentaire diffusés par « Complément d’enquête ». Or, selon Yann Moix, réalisateur de cette séquence, l’acteur évoquait une cavalière adulte, restée hors champ. Faute de preuve absolue, toutes les hypothèses restent sur la table.
C’est une séquence de cinquante secondes qui a fait le tour du monde. Pour l’opinion, la « scène du haras » pèse plus lourd dans le dossier de Gérard Depardieu que des accusations de viol. Pas parce que le public respecte scrupuleusement la présomption d’innocence, mais parce que, si ce qu’a montré « Complément d’enquête » correspond strictement à la réalité, Gérard Depardieu a transgressé ce que la société a de plus sacré : les enfants, qui, au passage, sont privés de toute complexité, donc de toute humanité, ces anges n’ayant jamais partie liée avec le mal.
Le plus grave, c’est qu’à entendre les braillements outragés, on dirait que notre mauvais sujet national a attenté au corps réel d’un enfant. Évidemment pas. La seule chose qu’on voit à l’écran, c’est qu’il fait des blagues, des blagues obscènes sur une gamine qui ne comprend même pas sa langue. Autrement dit, même si les images sont exactes, même si Depardieu blaguait sur cette petite fille, cela n’a aucune importance. On aurait créé un délit de mauvaise blague ? Une société qui a ses vapeurs pour une grossièreté et somme l’humour de se conformer aux canons de la morale devrait plutôt se demander ce qu’elle refoule. À part ça, vous croyez vraiment que les pédophiles font des blagues pédophiles ?
Le mot chien ne mord pas, disait-on dans les amphis des années 1970. C’est fini, le mot chien mord et le mot clito jouit. Outre qu’elle confond la commission d’un crime et son évocation, ce qui pose un problème de droit, cette confusion mortelle entre signifié et signifiant signifie la mort de la représentation, c’est-à-dire de la littérature, de l’art et de l’amour. On aurait voulu que Depardieu fasse du Depardieu, vomisse les croquantes et les croquants qui rient de le voir emmené, et défende bruyamment son droit de faire des blagues obscènes. Au demeurant, on a envie de lui demander ce qu’il est allé faire dans un pays totalitaire plutôt que des comptes sur ses outrances langagières.
Son entourage lui aura conseillé la prudence. Dans ces affaires, la grande stratégie des avocats, c’est d’intimer à l’homme accusé
