À quelques jours du Congrès qui décidera qui sera le candidat du parti Les Républicains à l’élection présidentielle, il est légitime de rappeler que ce parti joue là sa pertinence, peut-être son existence même au sein de l’échiquier français comme force politique majeure. Au lendemain de leur deuxième débat, Causeur dresse un tableau comparatif des cinq prétendants.
En retard sur le peloton de tête constitué de Macron, Zemmour et Le Pen, les candidats qui se disputent la candidature de LR doivent mettre fin à une série de défaites encourues depuis 2012. Valérie Pécresse, Xavier Bertrand, Éric Ciotti, Michel Barnier et Philippe Juvin se disputent entre eux, mais ils se disputent donc surtout la lourde tâche d’inverser une série de défaites électorales depuis 2012, ainsi que la terrible tendance de la fuite de leurs électeurs habituels plus à droite (vers Éric Zemmour et Marine Le Pen), ou vers le centre. Qui sont ces candidats, et lequel d’entre eux peut espérer recréer les heures de gloire de la droite ?
Xavier Bertrand « Ma première décision (en tant que président) sera d’ordonner au président d’EDF la construction de dix nouveaux réacteurs nucléaires »
Assureur de formation, maire, ex-ministre sous Nicolas Sarkozy et fort de sa réélection à la présidence de la région Hauts-de-France en juin, triomphant du RN, Xavier Bertrand est le seul candidat LR qui semble peser dans la course présidentielle à date. Oscillant autour des 13% d’intentions de vote dans les sondages, seulement quelques points derrière Le Pen et Zemmour, Bertrand peut espérer accéder au second tour, si toutefois il n’a pas déjà atteint un plafond dans les intentions de vote.
La candidature de Bertrand est marquée par deux paradoxes. Le premier est que, malgré sa popularité significative au sein de l’électorat français dans son ensemble, Bertrand reste incapable de se démarquer de ses adversaires au sein de l’électorat de droite. Les adhérents de LR lui reprochent en outre toujours sa désertion de 2017, Bertrand ayant claqué la porte d’un parti devenu « trop » à droite pour lui… Deuxièmement, Bertrand doit reconquérir un parti qui semble justement courir après les thématiques imposées par Éric Zemmour et qui sont marquées franchement à droite.
Crédible de sa victoire contre le RN en Hauts-de-France et sur les sujets qui touchent la classe des affaires et entrepreunariale, les petits commerçants, les régions et la valorisation du travail, Bertrand est quand même parti avec une certaine longueur d’avance sur ses petits copains.
Valérie Pécresse « Je reprends toutes les réformes que la droite rêve de faire depuis dix ans et je dis que moi, je les ferai »
Énarque, ministre sous Sarkozy, députée et présidente de la région Île-de-France, le parcours de Valérie Pécresse lui permet de se comparer favorablement à ses adversaires. Elle démontre également son intelligence remarquable dès qu’elle se penche sur un sujet de politique publique, dont elle connaît les chiffres et la mécanique dans les détails les plus fins.
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Même si elle a durci le ton sur les sujets régaliens, Pécresse a affirmé par le passé que la défaite de son camp face au socialiste François Hollande n’était que le résultat d’une stratégie de communication ayant échoué à convaincre les Français de la réalisation des réformes libérales du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Certains ne manqueront pas de lui rappeler dans les jours à venir une toute autre thèse : Sarkozy a perdu contre Hollande car il n’avait pu coaliser les votes d’une frange du FN/RN comme il avait si bien réussi à le faire en 2007, faute d’avoir donné suite à ses promesses à cet électorat. Quand elle se dit « héritière de Nicolas Sarkozy », on est donc en droit de demander si elle parle du Sarkozy de 2007, capable de battre le FN à son propre jeu, ou bien le Sarkozy qui s’est ensuite renié sur l’immigration, qui était trop libéral, trop centriste, en perte de crédibilité et incapable d’unir les droites libérales et patriotiques.
Technocratique dans son approche, Pécresse a déclaré aux journalistes de Valeurs Actuelles que ce qui la distinguait des autres candidats LR c’est qu’elle est « féministe, urbaine, et écologiste ». Cela laisse perplexe, quand on sait qu’elle doit aussi séduire des adhérents d’un parti qui regardaient Zemmour sur CNews tous les soirs.
Michel Barnier « La sécurité, qui fut le principal échec de ce quinquennat qui se termine, sera la priorité du nouveau quinquennat »
Homme politique de carrière ayant fait ses premiers pas en politique au sein du Haut Comité de la Jeunesse, des sports et de loisirs sous Jacques Chaban-Delmas (cela ne nous rajeunit pas), plusieurs fois ministre, Michel Barnier œuvre depuis 50 ans en politique et est un Européen convaincu ayant négocié la sortie du Royaume-Uni pour le compte de l’Union européenne.
Barnier entrevoit l’avenir et la croissance de la France par le prisme du marché européen. S’il est le plus crédible pour ce qui est du dossier de l’Union européenne, se trouvera-t-il une place au centre droit entre l’européiste Emmanuel Macron et l’électorat dubitatif envers l’Union européenne que représentent Le Pen et Zemmour ? C’est très incertain.
Qualifié comme étant de « droite sociale », son programme reprend les thèses sarkozysistes « valorisant » le travail et y adjoint quelques idées en vogue sur l’immigration et la sécurité, sans le charisme de l’ancien président et sans la verve de Zemmour. Fort du soutien de Laurent Wauquiez, qui pourrait jouer le rôle de faiseur de roi dans toute cette affaire, démontrant une grande lucidité au sujet des rapports de force à l’international et insistant sur la place que la France doit prendre pour se maintenir dans le grand jeu des nations et éviter son déclassement, Barnier peut toujours croire en ses chances pour remporter l’investiture LR au congrès de décembre prochain, malgré le retard qu’il accuse toujours à ce jour.
Éric Ciotti « Vous appelez ce phénomène comme vous voulez (le Grand remplacement). Moi, je le constate et ce que je souhaite c’est que cela s’arrête »
Son opposition à Macron est, paradoxalement, ce qui distingue Ciotti le plus des autres. Ses quatre adversaires au Congrès de décembre sont effectivement tous plus proches que lui du président sortant, de ses réformes économiques libérales longtemps souhaitées par l’UMP-LR, de son implication européenne et de son rejet de la droite populiste et souverainiste. Il n’est donc pas si surprenant que Ciotti soit sorti gagnant du premier débat LR selon les analyses de plusieurs commentateurs, même si le député des Alpes-Maritimes a commencé la course loin du peloton de tête.
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Député depuis 2007, le sudiste Éric Ciotti est probablement le candidat LR le plus à droite. Ce dernier ne se vante-t-il pas d’être le seul parmi ses adversaires à ne pas avoir voté pour Emmanuel Macron au second tour en 2017 ? Il a aussi affirmé qu’il voterait pour Éric Zemmour lors d’un second tour hypothétique entre le trublion de cette pré-campagne et le président sortant.
Chevauchant un programme digne du RPR du point de vue de l’identité nationale et de l’immigration et économiquement fidèle au programme libéral de François Fillon de 2017, Ciotti est le candidat qui offre la meilleure chance à LR d’unir les droites bourgeoises et populaires, et de freiner l’exode de l’électorat vers Zemmour et le RN.
Philippe Juvin « Je ne diminue pas le nombre de fonctionnaires, et je remuscle la fonction publique en faisant en sorte qu’elle soit plus efficace »
Chef de service des urgences de l’hôpital parisien Georges-Pompidou, maire et ancien député européen, Philippe Juvin a su maximiser sa médiatisation significative tout au long de la crise sanitaire pour critiquer la gestion de la pandémie par le président sortant et se tailler une place de choix au sein du débat public. À l’inverse de ses adversaires LR qui veulent couper des centaines de milliers de postes dans la fonction publique, Juvin se distingue en étant le « candidat des services publics ». Il ne propose pas de réductions de postes mais plutôt un réalignement des fonctionnaires administratifs vers les services au « contact des citoyens ». Mais si Juvin ne veut pas sabrer les services publics, il se positionne également – très paradoxalement diront les mauvaises langues – comme le candidat néolibéral par excellence, citant Ronald Reagan et Margaret Thatcher comme exemples pour les réformes sociales et politiques à suivre, dans l’objectif de bâtir une « nouvelle société ».
Quand presque 70% des Français s’inquiètent du « Grand remplacement » et que Philippe Juvin s’excuse lors du premier débat d’avoir prononcé le mot blasphématoire de « l’assimilation » (pour se corriger et préciser qu’il parlait plutôt « d’intégration »), on doute soudainement de sa capacité à parler à cet électorat qui n’en est plus à discuter des infimes nuances de concepts théoriques et du politiquement correct devant la substitution redoutée.
Maintenant, faites vos jeux ! Ceux qui souhaitent prendre part au choix du candidat doivent adhérer aux Républicains avant le 16 novembre.
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