Dans cette tribune, le député européen Jérôme Rivière regrette que la nouvelle commission poursuive sa politique fédéraliste. Pourtant, même le président Macron a pris acte de la « glaciation » dans laquelle la construction européenne est entrée!
Dans son discours de la Sorbonne prononcé en septembre 2017, Emmanuel Macron, n’a plus pu cacher l’impasse dans laquelle se trouve désormais la construction européenne. En tout premier lieu, pour son déficit démocratique manifeste !
Ecoutons-le :
« Les pères fondateurs ont construit l’Europe à l’abri des peuples, parce qu’ils étaient une avant-garde éclairée, parce qu’on pouvait peut-être le faire, et ils ont avancé, prouvant ensuite que cela fonctionnait. Ils jouissaient peut-être d’une confiance dont les gouvernements n’ont plus l’exclusivité, c’est ainsi (…). Cette page s’est fracassée sur le doute démocratique européen, celui des « non » aux référendums français et néerlandais nous ont fait vivre. Et je pense que nous n’avons pas eu raison de faire avancer l’Europe malgré les peuples. Il y a eu un moment où on a pensé qu’on devait, en quelque sorte, bousculer nos démocraties en faisant avancer l’Europe malgré tout. C’était une erreur, et cette erreur s’est doublée d’une absence de propositions : on a forcé la main et on a dit « mais attention, on ne proposera plus et on ne viendra plus vous demander votre avis ». Et nous sommes rentrés dans cette « glaciation », où la France, comme beaucoup d’autres, avait peur de proposer parce qu’elle avait peur d’un indicible, de quelque chose d’affreux : le changement de traité ».
Quel aveu !
Et pourtant, dans la continuité du « en même temps », ou plutôt du « au contraire », Emmanuel Macron s’appuie plus que jamais sur une vision des plus fédéralistes, technocratique de la construction européenne. Qui ne peut plus, néanmoins, dissimuler son découplage flagrant de toute légitimité démocratique.
Une commission qui met un temps inhabituel à se constituer
En juillet dernier, Ursula Von der Leyen a obtenu le plus faible score pour une présidente de la Commission européenne sollicitant son investiture devant le Parlement européen. Mais il était dit que la Commission Von der Leyen était celle, pour le monôme européiste, de tous les risques.
Après le « recalage » des commissaires français, hongrois et roumain, la présente Commission s’est présentée avec un mois de retard devant le Parlement européen, chose jamais vue depuis la mise en place du Traité de Lisbonne.
Mais elle aura aussi marqué négativement, d’entrée, les esprits, en accolant aux portefeuilles respectifs des nouveaux commissaires désignés des appellations au contenu flou, sans signification : « Valeurs et transparence », « Promotion du mode de vie européen », « Égalité », « Cohésion et réformes»… Le flou de ces titulatures, volontiers pompeuses, témoigne d’une opacité totale des missions, des projets, des mécanismes de prise de décision. Chacun sait également, pour connaître quelque peu la Commission, que les commissaires européens ne dirigent en fait rien au-delà de la porte de leur bureau. Comment expliquer, en effet, que le cabinet d’un commissaire européen compte et tout et pour tout 7 collaborateurs, quand on connaît les responsabilités gigantesques de ces « super-ministres européens » ? En vérité, ce sont les Directions générales qui sont à la manœuvre, regroupant une véritable armée de plus de 30.000 fonctionnaires, qui n’ont de compte à rendre qu’à eux-mêmes.
Fuite en avant fédéraliste
Fragilisée au plan politique, la nouvelle Commission européenne montre qu’elle a déjà opté pour une fuite en avant fédéraliste.
Dans les rapports sur le Politique Européenne de Sécurité Commune (PESC) et sur la Politique de Sécurité et de Défense Commune (PSDC) présentés par le Parlement européen, véritables « copiés-collés » des desiderata de la Commission, socialistes, membres du PPE et centristes demandent à tue-tête, en matière de diplomatie et de défense, le passage au vote à la majorité qualifiée. Ce qui constitue une véritable hérésie, eu égard à ces domaines éminemment régaliens qui ne peuvent reposer que sur la règle intangible de l’unanimité. On a même vu la Commission engager une procédure à l’égard de la Grande-Bretagne, pour absence de nomination d’un commissaire européen. Alors que le commissaire britannique s’est retiré de Bruxelles il y a trois ans et demi… Bruxelles feignant d’ignorer que le Brexit est passé par là.
N’ayant aucune légitimité, la Commission européenne est désormais engagée dans une fuite en avant qui signifie un bras de fer décisif avec les peuples européens, les uns après les autres.
Mettre fin aux chimères de Jean Monnet?
Déjà, les peuples hongrois, polonais, italien roumain, ont vu leurs représentants légitimes connaître les foudres de la Commission. Mais aussi démontrer, désormais, leur défiance à l’égard des instances fédéralistes.
Dans les cinq années à venir, il y a fort à parier que la majorité des peuples européens, directement ou par le biais de leurs représentants, entreront en conflit ouvert avec la Commission. Emmanuel Macron demande un autre Traité? Pourquoi n’ouvre-t-il pas des négociations sur une ère nouvelle de la construction européenne, expurgée de la supranationale et technocratique Commission ? Que l’on mette fin aux chimères de Jean Monnet, et que l’on fasse enfin une Europe de la coopération entre des nations souveraines selon la volonté des peuples.
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