Le président Macron en visite à Montpellier lundi 19 avril, a été interpellé par une habitante voilée d’un quartier « difficile » qui se désolait du manque de « mixité » dans l’école de son fils… L’analyse de Renée Fregosi[tooltips content=’Renée Fregosi est philosophe et politologue. Elle est co-auteur, avec Xavier Gorce, du Bêtisier du laïco-sceptique, Ed. Minerve,
avril 2021′]1[/tooltips]
Cette militante associative est manifestement rompue à la dialectique et au débat politique, si on en juge par l’aisance avec laquelle elle s’exprime, le contenu de son propos et l’aplomb avec lequel elle s’adresse au président. Mais elle nous est présentée comme une de ces « mamans voilées » pleine de bonne volonté, injustement « stigmatisées » à cause de leur voile. Alors, le concert des bien-pensants de s’extasier sur la justesse de sa remarque, la sincérité de sa demande et même l’évidence de son intégration à la France.
Le voile, symbole de l’islam politique
Car la peur d’être accuser « d’islamophobie » arrive au galop. Il faut montrer que « l’on peut être musulman et Français ». Mais il ne s’agit pas de cela encore une fois ! La question serait plutôt en l’occurrence : « que signifie être Français et islamiste ? »
En demandant avec une voix douce le vivre ensemble, on se met en position de gentille victime d’une situation à laquelle en fait, on contribue en grande part
Certes il n’est pas interdit de porter le voile dans l’espace public en France, mais cela ne veut pas dire que le voile soit « un bout de tissu » ou « un simple vêtement » sans signification. On sait très bien désormais que les islamistes ont fait du voile un signe distinctif de l’appartenance à une conception particulière de l’islam, une conception éminemment politique, qui prône la reconnaissance de la charia comme fondement des droits positifs nationaux et souhaitent la voir s’imposer dans les mœurs françaises. Voir le voile de cette habitante sur sa tête lorsqu’elle s’exprime, ne relève donc pas d’une obsession anti-musulmans comme l’ont aussitôt affirmé certains, mais d’une simple lucidité.
Alors, peut-être que cette dame est sincère dans son désir de mixité sociale. Ou peut-être pas. Mais au-delà de l’innocence ou de la manœuvre derrière sa démarche, c’est de la définition de la « mixité » qu’il s’agit. Le terme lui-même est piégé : sous sa consonance conviviale, il suppose non seulement l’existence mais surtout la légitimité au sein de la communauté nationale, d’une pluralité de cultures distinctes, d’infra-communautés closes, de groupes sociaux séparés, totalement hétérogènes entre eux. La revendication de mixité implique qu’il existe une différence à gérer pacifiquement parce que précisément cette différence est foncière, insurmontable, interdisant le mélange, la fusion, l’assimilation en un mot. La notion de mixité est aux antipodes du métissage et de la véritable intégration au nouveau référent d’appartenance.
À lire aussi, Cyril Bennasar: Madame, votre problème, c’est vous!
Certes, « vivre côte-à-côte » permet dans une certaine mesure des solidarités entre groupes et à minima la reconnaissance du droit de l’Autre à exister. Le « vivre ensemble » est moins grave pour une société que le « face-à-face » suspicieux, hostile, qui peut à tout moment basculer dans la violence. Mais on connaît désormais les dérives dangereuses du communautarisme, c’est-à-dire de la segmentation d’une société. Les pays (anglo-saxons et nordiques notamment) qui en ont adopté le principe en ont fait ces dernières années la dure expérience. La consolidation de frontières hermétiques entres communautés se réalise par l’observance de modes de vie et de codes spécifiques au sous-groupe d’appartenance, par l’usage de langues, de langages ou de modes d’expression particuliers faisant reconnaissance. Lorsque ces distinctions – non pas tant sociales que culturelles et souvent religieuses – sont suffisamment affirmées, l’homogénéisation des habitats vient tout naturellement ponctuer, acter la séparation communautaire.
On peut donc s’interroger sur la nature de la demande de mixité d’une habitante d’un quartier homogène, elle-même manifestement adhérente à l’appartenance à une communauté séparatiste. Que réclame donc cette dame ? La venue de nouveaux habitants « Français de souche » dans son quartier pour que son fils connaisse « la diversité ». Il ne s’agit pas semble-t-il, de faire en sorte que son fils se sente appartenir à la communauté nationale française, pour cela elle aurait déjà pu lui donner le prénom de « Pierre » inconnu de lui à ce jour. La demande de mixité, renvoyée ici en boomerang par une Française communautarisée, joue sur l’ambiguïté acquise par ce terme au long de toutes ces années de recul des principes républicains et laïques.
Le pouvoir du langage
Par peur de passer pour raciste, pour ne pas faire de vague, on a en effet euphémisé le langage, on a tu les entorses à la laïcité, on a minimisé les atteintes à la loi et aux règles communes et la répudiation des mœurs façonnées par la France au cours de son histoire. La liberté de conscience est devenue « la liberté de croire ». L’assimilation est devenue l’intégration, puis le « vivre ensemble » et le droit d’asile des réfugiés doit s’étendre désormais indistinctement à tous les « migrants ». La mixité est alors devenue l’objectif désirable en lieu et place du désir d’appartenance commune à la nation et à la République « une et indivisible ». Une nouvelle fois, la charge de la preuve est inversée par le militantisme « islamiste soft » : en demandant avec une voix douce le vivre ensemble, on se met en position de gentille victime d’une situation à laquelle en fait, on contribue en grande part.
À lire aussi : Les fronts de l’islamo-gauchisme
Un président de la République ne devrait pas se laisser faire la leçon par une personne qui sciemment ou pas, fait le jeu des islamistes. Cessons donc d’être dupes de la tactique d’entrisme islamiste : entrisme dans les mots, dans les têtes, dans les territoires, dans les associations et dans les institutions. Voilà belle lurette que les mots sont détournés de leur sens et que la fragmentation sociale est à l’œuvre. Et pas seulement du fait de l’offensive islamiste certes, qui bénéficie au demeurant d’un terrain idéologique déconstruit et d’une société déstructurée de longue date. La reconquête sera par conséquent difficile, mais plus elle tarde à se mettre en mouvement et plus dur sera le combat. Donc, sans complaisance et sans relâche, dénonçons déjà systématiquement les discours tordus et le travail de sape tous azimuts contre la République.