Considérés comme appartenant au pays du monde civilisé qui taxe le plus, dépense et distribue le plus mais travaille le moins, les Français seraient-ils entrés dans le club très fermé des imbéciles heureux ? La question peut se poser si l’on se réfère aux quelques exemples suivants…
D’abord les comptes publics. Depuis la première intronisation d’Emmanuel Macron en 2017, la dépense publique n’a jamais baissé, pas même d’un iota : elle en est maintenant à 59 % du PIB et 44 % pour les seuls prélèvements obligatoires, c’est-à-dire impôts, taxes et charges sociales, ce qui fait de nous régulièrement les champions du monde des impôts et des charges contraintes. Avec la tempête économique mondiale qui s’est levée et nous arrive dessus, avec sa dangereuse inflation associée à la violente crise énergétique déclenchée par la Russie, nous savons que nous devons d’urgence réduire la voilure et nous serrer la ceinture, que nous le voulions ou non.
Or, de quoi est-il question actuellement en France ? De distribution démagogique par un État nounou, encore et encore, de chèques à des assistés, de charité publique à fonds perdus et d’augmentation massive des dépenses avec un nouveau « paquet pouvoir d’achat » de plusieurs dizaines de milliards d’euros. En revanche, plus aucune nouvelle de la réforme des retraites, dont on laisse courir le bruit qu’elle n’est pas urgente alors qu’elle est vitale. Sans compter la baisse impérative de nos gigantesques dépenses publiques… Le mauvais élève français s’est encore fait remarquer en Europe du fond de la classe où il a pris ses habitudes : il est « le dernier pays à ne pas avoir envoyé sa trajectoire budgétaire à la Commission européenne », selon Raphaël Legendre du journal L’Opinion. On ne peut pas dire que la présidence française de l’Europe par Emmanuel Macron lui aura permis de montrer et de prouver le sérieux de ses équipes ministérielles et de leur sens des responsabilités… Mauvais élève nous étions, mauvais élève nous restons !
Les 35 heures n’ont rien apporté d’autre qu’un tsunami
Deuxième exemple : la destruction lente de notre industrie. Entre 1995 et 2015, la France s’est vidée de la moitié de ses usines et 2 millions d’emplois industriels se sont évanouis dans la nature selon Nicolas Dufourcq, le percutant directeur général de la BPI, la Banque française d’investissement, dont le livre qui vient de paraître chez Odile Jacob, La Désindustrialisation de la France, est un sévère réquisitoire contre nos élites prétentieuses : elles n’ont cessé, selon lui, de prendre « des directions opposées à nos intérêts stratégiques » et d’augmenter le coût du travail au détriment de la rentabilité économique.
« Le modèle social français, écrit-il, pèse de tout son poids sur les entreprises » et les 35 heures n’ont rien apporté d’autre qu’un tsunami destructeur à un pays déjà affaibli par le poids démesuré de son administration. Selon Dufourcq, notre économie a bien été sacrifiée par des décisions hasardeuses aboutissant à une « multiplication de déserts industriels ». La chroniqueuse des Échos, Christine Kerdellant, conclut ainsi le 10 juin son compte-rendu de lecture de l’essai du patron de la BCI : « Ce livre tombe à pic », écrit-elle pour que nos politiques et les Français « prennent conscience du massacre perpétré, comprennent que l’effondrement de notre PIB par tête, par rapport à l’Allemagne, est la conséquence de ce désastre industriel, et intègrent le message : plus jamais ça. »
A lire ensuite, Sadri Fegaier: La France a besoin d’un grand ministère du numérique
Un principe de précaution poussé à l’extrême
Autre exemple, notre déficit nucléaire : à force de tergiverser, à force de tout complexifier et d’ajouter des milliers de kilos de normes aux milliers de kilos de paperasse lors de leur construction, nos réacteurs sont l’objet d’examens quasi permanents, de vérifications et d’exigences impossibles à satisfaire dans des délais économiquement supportables. Résultat : dans notre parc de 56 réacteurs, 12 d’entre eux sont arrêtés à cause d’un défaut bénin et viennent ainsi s’ajouter à d’autres arrêts dont un lourd programme de mise à niveau. En temps normal, ce parc fournit annuellement 400 térawattheures (TWh) d’électricité à la France et à certains de nos voisins européens. En 2022, ce ne sera pas plus de 300 TWh, un quart de moins, et cela au pire moment à cause de la guerre en Ukraine : un déficit qu’il faudra combler en grande partie par des centrales au gaz et accessoirement par de pollueuses centrales à charbon. On en est là en France avec notre principe de précaution poussé à l’extrême qui nous emmène doucement en enfer !
Un système d’assistanat parti en vrille
Autre sujet d’insatisfaction : l’apprentissage. On a voulu nous faire croire pendant les élections, la présidentielle et les législatives, que le problème du chômage était réglé et qu’on allait se rapprocher du « plein emploi ». Une belle formule bien mégalo et totalement utopique. Non seulement Emmanuel Macron avait volontairement faussé les statistiques officielles du chômage en changeant de thermomètre dès son arrivée au pouvoir en 2017 mais encore il a continué à financer massivement de faux emplois.
Son prédécesseur utilisait le système des « emplois aidés », c’est-à-dire subventionnés. Monsieur Jupiter, lui, développe une nouvelle machinerie très onéreuse qu’il appelle globalement « l’apprentissage », un véritable fourre-tout de combines diverses qui consiste pour l’essentiel à aider des jeunes désœuvrés à ne plus apparaître dans la catégorie des « demandeurs d’emploi ». Ainsi des « formations en alternance », une organisation qui a doublé d’importance en passant de 400 000 à 800 000 dossiers en raison du boom des contrats d’apprentissage, avec un objectif d’1 million d’utilisateurs en 2022. Le coût de cette très généreuse opération sociale est passé de 5,5 milliards d’euros en 2018 à 11 milliards en 2021.
A lire aussi, du même auteur: Ces économistes qui tirent la sonnette d’alarme
Une pure folie quand on apprend de plus qu’une masse de contrats d’apprentissage ont été détournés au profit d’étudiants qui ont trouvé ainsi un moyen de financer leurs études supérieures alors que ces contrats devraient être consacrés à de l’insertion professionnelle. C’est la Cour des comptes qui a soulevé le lièvre dans un rapport du 23 juin dernier, parlant en outre d’une « profonde dégradation financière » dans ce système d’assistanat parti en vrille…
Nous avons déjà perdu la guerre du lithium
Et que dire de notre politique minière qui a mis sous le boisseau depuis longtemps toute recherche dans notre sous-sol et toute activité minière alors que la France regorge de trésors géologiques et de ressources naturelles que nous sommes obligés d’importer aujourd’hui à des prix insensés pour certaines d’entre elles ? Ainsi du gaz naturel liquéfié (GNL) que nous importons des États-Unis et qui provient à 80 % de l’extraction du gaz de schiste, totalement interdite en France. Il faut savoir que nous sommes devenus le premier importateur mondial de gaz de schiste américain. Non seulement nous avons interdit sur notre territoire le mode d’extraction du gaz de schiste, mais encore nous avons interdit la simple exploration des terrains, préférant ainsi enrichir les yeux fermés nos amis américains et nos ennemis russes. Une loi du 13 juillet 2011 avait même annulé les permis de recherche minière accordés précédemment. Magnifique politique de l’autruche !
Même chose pour le lithium, indispensable à la fabrication des batteries des voitures électriques. Sur ce marché en explosion, nous sommes obligés d’acheter notre lithium à des prix complètement fous à des pays tels que l’Australie, l’Argentine, le Chili et la Chine. Et la demande mondiale devrait quadrupler d’ici 2030 ! Or, nous savons que notre sous-sol contient du lithium. Ce sont nos géologues qui nous le disent et les écolos intelligents ne sont pas forcément contre. L’ancienne ministre de l’écologie Barbara Pompili jugeait en février dernier : « La France doit extraire du lithium sur son territoire ».
On discute depuis dix ans de la réforme de notre code minier complètement dépassé et on continue toujours de discuter, donnant ainsi une image grotesque et impardonnable de l’impuissance et de l’irresponsabilité françaises. Dans la guerre économique du lithium nous avons déjà perdu. Pour toutes ces raisons et pour beaucoup d’autres encore, nous voici devenus les idiots du village mondial…