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Comment Mélenchon rêve d’imposer sa République bolivarienne

Une tribune libre de Jean-Philippe Feldman, agrégé des facultés de droit et chercheur à l’Institut de recherches économiques et fiscales (Iref)


Comment Mélenchon rêve d’imposer sa République bolivarienne
Jean-Luc Mélenchon sur TF1 le 5 décembre 2024 © JEANNE ACCORSINI/SIPA

Mélenchon veut passer à la 6e République comme on change un vieux canapé, mais sans se soucier du mode d’emploi constitutionnel.


La petite musique est soigneusement réglée depuis plusieurs semaines chez les Insoumis et les discours de ses dirigeants sont à l’unisson en matière institutionnelle : Emmanuel Macron doit être destitué ; à défaut il doit démissionner le plus vite possible, fût-ce sous la pression de la rue. Aussi Jean-Luc Mélenchon et son équipe ont-ils d’ores et déjà entamé la sélection des élus pour obtenir les 500 signatures qui lui permettront d’être candidat à l’élection présidentielle.

On ne pourra pas faire comme si on ne savait pas

Tant Mathilde Panot que Manuel Bompard ont parlé au début du mois de décembre d’un changement de Constitution, d’une modification de la loi électorale et par conséquent d’un déblocage de la situation de crise actuelle. Mais qu’ont en tête les Insoumis ? Les déclarations du meneur de La France Insoumise et de ses proches associées aux publications officielles de La France Insoumise en ligne depuis plusieurs années permettent de le savoir sans détour.

Ce qui est frappant chez eux, c’est que tout est annoncé, même si leurs objectifs sont inavouables. On ne pourra donc pas dire qu’on ne savait pas. Ainsi en est-il des cibles électorales, les jeunes, les femmes et les musulmans des villes et des banlieues, comme cela a été signifié par Jean-Luc Mélenchon lui-même. Quant à la question institutionnelle, elle a été présentée de manière adamantine dans une brochure lors de la campagne présidentielle de 2022 et intitulée sans fard « Comment nous allons passer à la 6e République ».

Voici donc ce qu’il va se passer selon les Insoumis : une fois élu, leur chef débloquera la situation pour la simple et bonne raison qu’il ne sera pas bridé par la Constitution actuelle qui interdit au chef de l’État de dissoudre l’Assemblée nationale avant juillet 2025, donc qui en pratique interdit la tenue d’élections avant septembre prochain. Dès après son élection, Jean-Luc Mélenchon utilisera l’article 11 de la Constitution, un pouvoir personnel du chef de l’État. Non pas pour la réviser comme l’avait fait le général de Gaulle à plusieurs reprises au grand dam de l’ensemble des constitutionnalistes sérieux qui jugeaient que cet article ne pouvait concerner que des textes de valeur législative et que seul l’article 89 pouvait être utilisé pour modifier la Constitution, c’est-à-dire avec l’accord des deux chambres du Parlement. Mais pour carrément changer de Constitution.

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Le peuple en liesse votant au referendum en faveur du changement de Constitution, une Assemblée constituante, composée à la fois de personnes tirées au sort et d’élus à la représentation proportionnelle (pour assurer le succès de LFI), rédigerait un projet de Constitution qui serait soumis au peuple pour ratification. Un peuple éclairé par des médias aux ordres, cela va de soi…

Un horizon rouge-vert radieux !

Le processus ferait fi de la Constitution actuelle. Comment est-ce possible ? Les Insoumis se réfèrent à la Constitution de 1793, dite montagnarde, jamais appliquée mais rédigée par les ancêtres de nos gauchistes et donc mythique aux yeux de ces derniers. Une constitution révolutionnaire qui dispose notamment qu’« un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures » (sauf manifestement en leur laissant une dette abyssale…).

Mais il y a un auteur sulfureux qui a bien pensé le même type de mécanisme et qui doit être l’un des inspirateurs des Insoumis, à tout le moins des spécialistes qu’ils consultent. Juriste allemand, antisémite et antilibéral notoire avant de se perdre dans le nazisme, paradoxalement très goûté de l’extrême gauche depuis la fin du XXe siècle, Carl Schmitt estimait qu’une nouvelle Constitution n’avait en aucun cas à se conformer aux règles de celle qu’elle remplaçait, le fait effaçant le droit. En ce sens, la 6e République, chère au cœur de Jean-Luc Mélenchon, pourra être portée sur les fonts baptismaux sans aucun respect des dispositions de la Constitution de la Ve République à l’issue de l’élection présidentielle victorieuse.

Et que nous réservent nos futures institutions concoctées par cet admirateur de la République bolivarienne qu’est le meneur des Insoumis ? Une intervention populaire permanente (exeunt les garanties des droits et la justice constitutionnelle), une « règle verte » pour subvertir la liberté économique, une république des « biens communs », des « droits nouveaux », « de l’égalité réelle ». Bref, une dictature rouge-verte. Oui, LFI et Jean-Luc Mélenchon sont des dangers publics !



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