À la faveur de la pandémie, les peine-à-jouir, l’esprit de prohibition et l’austérité l’ont emporté sur les valeurs de la jeunesse: l’amour, la vaillance, l’intrépidité et la liberté des trompe-la-mort. Thanatos a pris le dessus sur Éros. Parce que nos dirigeants font la politique de leurs électeurs vieillissants. Emmanuel Macron prendra la parole dans la presse régionale demain matin pour nous annoncer la suite de ce programme mortifère.
Éros et Thanatos. Pulsion de vie vs pulsion de mort. Chute ou rédemption. Culture de vie ou culture de mort. Instinct de survie ou mélancolie. Mort ou résurrection. Résilience ou syndrome dépressif. Fureur de vivre vs no future. Les Grecs, le christianisme, la psychanalyse et les romanciers modernes ont dévoilé et mis en scène les deux principes qui structurent l’existence humaine : la tension vitale, qui projette les hommes et les sociétés vers la jeunesse et l’avenir ; et la pulsion de mort, qui les pousse à anticiper la finitude de leur existence. Dans notre vieille civilisation, qui se perçoit comme en sursis, voire menaçant ruine – à écouter Michel Onfray et à considérer les faits qu’il rapporte –, la crise du Covid et sa gestion sont emblématiques de notre propension collective à accélérer notre éviction de la scène mondiale. Thanatos.
En 2020, la France est entrée en récession. Elle a organisé de manière inédite l’automutilation de son économie, ce qui a accéléré la déflation à l’œuvre. Le « quoi qu’il en coûte » n’était pas planifié, mais ses conséquences sont délétères. Le grand confinement a suspendu nos existences et nos activités. Il s’agissait officiellement de sauver des dizaines de milliers de vieillards et grands malades fragiles, une préoccupation éminemment respectable. À ceci près que beaucoup sont quand même morts, puisque le virus se joue de nos demi-mesures. Il s’agissait surtout d’éviter l’engorgement des urgences hospitalières, sans songer à les faire passer de 5 000 à 30 000 places de réanimation, ce qui aurait coûté infiniment moins cher que la thrombose de l’activité.
Anticipation de nos soumissions futures et laïcisation de la pénitence
En procédant ainsi, nous avons fragilisé la jeunesse de France : déperdition scolaire irrémédiable chez les plus fragiles, dégâts psychologiques parfois tragiques, désocialisation et perte du goût de vivre, de créer, de se cultiver, de se confronter à des amis, d’inventer et de braver les risques. Nous avons demandé à la jeunesse de prendre en compte la vieillesse et les morts à venir, quand cette tâche n’a jamais été – et ne peut pas être – la sienne. La même génération d’adultes qui tente d’euphémiser auprès de ses enfants la mort des grands-parents, qui empêche souvent les jeunes de voir la dépouille de l’un d’eux, qui se garde de les emmener au cimetière – tentant d’oublier l’existence même de ce lieu – a collectivement décidé de
