Le premier conseil serait d’éviter la France : les riches s’y appauvrissent plus vite que les pauvres ne s’y enrichissent. Sarkozy avait tenté de retenir les plus fortunés, voire d’en attirer. Cela ne lui a pas réussi. Les socialistes, eux, ne méprisent pas l’argent, ce qui serait une posture morale sympathique, mais l’envient et le pourchassent chez tous ceux qui ont l’impudence d’en faire état. Ils entendent bien leur faire payer tout à la fois leur morgue et les cadeaux fiscaux dont ils ont outrageusement bénéficié sous le quinquennat précédent. Le milliardaire qui fait la fierté des grandes puissances, sera dorénavant poursuivi par le fisc, honni et, toute honte bue, forcé à l’exil. Ce prédateur vil, ingrat et peu soucieux des masses laborieuses ne mérite guère mieux.
Le milliardaire, et ce sera mon second conseil à celles qui auront surmonté le dégoût qu’il devrait leur inspirer, jouit, en revanche, d’un prestige considérable dès lors qu’elles auront franchi les frontières de l’Hexagone. En Suisse bien sûr, aux Etats-Unis où il y a un peu plus d’espace et en Chine post-communiste aussi où après l’exécrable expérience maoïste on a enfin compris que seule l’injustice sociale permet à tout un peuple de manger à sa faim et aux plus astucieux de faire fortune en moins de temps qu’il n’en faut pour se faire élire député en France. C’est donc dans ces contrées exotiques où le milliardaire n’est pas un paria, mais un trophée incarnant l’esprit d’entreprise et d’innovation qu’on entamera la chasse au milliardaire. Certes, à l’usage, il se révélera parfois un peu filou, mais le pauvre l’est aussi. Un milliardaire malhonnête est toujours préférable à un petit-bourgeois vertueux. C’est tout au moins ce que se confient les héroïnes de la charmante série Lipstick Jungle et ce que pensent toutes les filles.
Ce qui était plaisant dans le gouvernement Sarkozy – outre son coup de pouce donné aux riches – c’était le côté » voyou » ouvertement affiché de la plupart des ministres. Ce qui contraste avec le gouvernement formé par Hollande où une fade honorabilité de surface laisse percevoir des trésors d’hypocrisie. Car, à moins d’être de parfaits abrutis, hypothèse qui n’est pas à exclure dans tous les cas, les ministres savent pertinemment que lorsque les riches s’appauvrissent ou s’installent dans des contrées plus accueillantes, c’est le pays tout entier qui en pâtit. Sans doute rétorqueront-ils que le seul instrument performant de l’économie française est son système fiscal et qu’ils ne disposent pas d’autres leviers pour préserver le modèle social français. Ils n’ont pas tort, sauf à envisager que ce fameux modèle a fait son temps.
Mais la jeune femme qui veut épouser un milliardaire se lassant vite de ce genre de débat -et comment lui donner tort ?- a compris qu’il lui faut, elle aussi, se préparer à l’exil. Exaltant ? Souvent. Et pour celles et ceux qui n’aiment pas l’aventure et que Greg le millionnaire laisse indifférents, le pot-au-feu hollandais et les séries américaines les consoleront de la médiocrité de leur quotidien.
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