Pour échouer à l’ENA, il suffit de rédiger une dissertation en trois parties. Si le thème imposé est celui de la profession politique (« Dans quelle mesure peut-on parler d’une impuissance du politique? »), voici comment faire:
Première partie
Les hommes politiques sont des professionnels et les professionnels agissent d’une façon étonnante. Par exemple, entre une action efficace qui met un terme au service et une action inefficace qui relance la nécessité du service, le professionnel choisira toujours la deuxième solution. Le professionnalisme consiste à organiser finement sa propre impuissance.
Deuxième partie
Il est exact qu’un plombier inefficace perdra ses clients au bénéfice de ses concurrents. Mais, outre que l’amélioration de la société n’est pas comparable à la réparation d’un robinet, il est non moins exact que cette efficacité repose sur la dégradation perpétuelle des choses, laquelle assure au plombier un avenir.
Troisième partie
Il n’en va pas de même chez les hommes politiques, dont l’intervention ne conduit jamais à un résultat aussi net et satisfaisant que la réparation d’une fuite d’eau. En ce cas, le maintien de la demande est essentiel. L’insécurité ou le désordre économique sont des problèmes dont les hommes politiques raffolent parce qu’ils maintiennent la demande du service. En politique, seule l’espérance fait vivre. Pour cette raison même, il n’est pas du tout certain que les hommes politiques aient un intérêt quelconque à les résoudre. Pour ce qui est de ne rien faire tout en donnant l’impression qu’ils vont faire quelque chose, on peut dire qu’ils sont très efficaces.
Conclusion
Un retour à l’amateurisme serait donc souhaitable, mais la professionnalisation du politique est irréversible. Il s’agit d’une maladie, et, comme dirait Proust, cette maladie n’est plus opérable.
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