Pourquoi mes copains et moi-même étions-nous grognons et joyeux à la fois, le 6 mai 2012, à 20 heures ? Parce que nous avons voté pour Mélenchon au premier tour et pour Hollande au second. Hollande a gagné, Sarkozy a perdu… mais nous aussi, finalement. À la limite de la schizophrénie, on chante L’Internationale devant les images de la cathédrale de Tulle, on dit « nous » en parlant de la gauche, mais nous nous reprenons aussi vite parce que ce n’est pas de « nous » qu’il s’agit puisqu’il s’agit des socialistes, et que nous ne sommes pas socialistes.
En plus, comme nous sommes persuadés que le différentiel de 3 points entre les prévisions sondagières et le score de Mélenchon est essentiellement dû au « vote utile » de ceux qui nous avaient promis leur bulletin et qui se sont dégonflés dans les derniers jours de peur que Hollande soit trop faible au premier tour pour battre Sarkozy au second (avaient-ils si tort que ça, d’ailleurs ?), nous l’avons un peu amère tout de même. Et en même temps, nous sommes contents à l’idée de l’alternance et d’une droite renvoyée à ses chères études.[access capability= »lire_inedits »]
Il s’agit là du comportement typique, et un brin incohérent, des électeurs communistes à chaque élection gagnée par des socialistes. Nous avons voté pour eux par « discipline républicaine », nous sommes très heureux d’avoir battu la droite, mais nous sentons déjà les cornes des cocus idéologiques nous pousser sur le crâne.
Il faut dire que, depuis 1981, nous sommes carrément devenus des cerfs dix-cors. À chaque fois, soit parce que nous étions liés par la solidarité gouvernementale, soit parce que nous étions inhibés par le souci de ne pas gêner un gouvernement de gauche, même social-démocrate, nous n’avons plus fait entendre notre voix. Et à l’échéance suivante, nous nous sommes retrouvés avec un score encore plus bas.
Cette fois, juré, craché, nous n’irons pas au gouvernement. Nous ne sommes pas des écolos, nous. Nous avons notre fierté. Nous ne transigerons pas sur le smic à 1700 euros, question sur laquelle François Hollande a été d’une discrétion de violette durant la campagne. Ni sur la planification écologique. Ni sur un grand pôle public du crédit. Ni sur une modification du statut de la BCE qui permette aux États d’emprunter sans passer par l’intermédiaire des banques. Nous regarderons aussi de près si la négociation autour du Traité européen de stabilité, à défaut d’aboutir à la dénonciation pure et simple que nous souhaiterions, va au moins déboucher sur ce satané et indispensable « volet de croissance ». Et on ne nous endormira pas avec quelques rafistolages cosmétiques juste destinés à ce que le nouveau président revienne de Bruxelles ou Berlin sans avoir perdu la face.
Reste le vote des étrangers aux élections locales (on oublie souvent de rajouter « aux élections locales », allez savoir pourquoi…), qui divise Causeur autant que la France. Eh bien, nous en ferons un point d’honneur, comme en d’autres temps l’abolition de la peine de mort. Dans le combat « valeurs contre valeurs » qui est celui d’aujourd’hui, il ne faut pas avoir peur d’affirmer les siennes même si elles sont minoritaires dans l’électorat qui vous a fait roi. Question de courage politique.
Benoît XVI a indiqué un certain nombre de points non négociables pour les catholiques dans leur rapport au politique (euthanasie, mariage gay, etc…). Je viens d’énoncer les nôtres. Et je me tâte le crâne en regardant, si par hasard, il n’y a pas déjà une nouvelle corne.[/access]
*Photo : nav007
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