L’acteur Fabrice Luchini, histrion génial, assure dans les colonnes du Parisien avoir échoué à l’examen!
Qu’on se rassure : Fabrice Luchini aimerait « être de gauche » mais il ne peut pas l’être « parce qu’il faut des qualités de supériorité morale et psychique que je n’ai pas ». Comme souvent avec Fabrice Luchini dans ses exercices médiatiques, derrière une forme de dérision, il y a de la réflexion. Dans cette saillie il y a à creuser…
D’autant plus que cela faisait longtemps que Fabrice Luchini n’avait pas été à ce remarquable niveau qui lui a permis de développer ses réponses avec brio et gravité. Sur des sujets aussi divers que le bonheur, l’amitié, son rapport avec sa fille, sa conception de l’amour, la politique, le reproche d’être un histrion médiatique, sa mère, sa sociabilité, il se révèle, sans afféterie ni comédie. Et dans une vérité d’autant plus convaincante qu’à l’évidence, il ne joue pas le rôle d’une personnalité voulant à tout prix être singulière.
Examen de conscience
C’est à cause de cette parfaite réussite de l’entretien sur le fond que sa phrase sur son inaptitude à être « de gauche » m’a frappé. Elle a le mérite de faire son chemin dans les têtes et de contraindre à un examen de conscience qui incite à chercher, derrière les convictions, s’il n’y a pas autre chose qui justifie les choix politiques.
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Fabrice Luchini met l’accent sur cette perception que les tenants de la gauche auraient un air de supériorité intellectuelle et morale, comme s’ils étaient, eux, forcément du bon côté de la vie civique et de la démocratie. Il semble alors que les gens de droite, pas suffisamment assurés d’eux-mêmes, partent d’emblée avec un handicap : celui d’être désaccordés d’avec le progrès, la générosité et le partage. Il va leur manquer forcément ce qui constitue le signe éclatant de l’idéologie pour laquelle le pessimisme est une honte, le peuple un risque et le désir de sécurité une aberration.
Fabrice Luchini, à sa manière inimitable, nous déclare qu’il est évidemment trop pécheur pour oser se dire de gauche. Il se moque mais met en exergue la difficulté de tout dialogue non seulement avec un contradicteur politique, mais surtout avec le militant de gauche : point de salut en dehors de celle-ci. Le doute une tare, la nuance une hérésie, l’écoute de l’autre une dérive, la tolérance une horreur et la violence une tentation. Pour être de gauche, il faut passer un examen : est-on digne de l’être ? Montrer patte blanche et orthodoxie. La ligne, rien que la ligne. Fort heureusement, je n’ai pas cessé de faire la politique buissonnière et je n’ai jamais désiré être de gauche. Globalement. Au détail, pourquoi pas, mais alors avec modération.