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Après les mandarins de la santé, voici les mandarins de l’économie


Après les mandarins de la santé, voici les mandarins de l’économie
Le prix Nobel d'économie Jean Tirole © ERIC DESSONS/JDD/SIPA Numéro de reportage: 00865058_000016

Au moment où s’annonce une crise économique aiguë à la suite d’une épouvantable crise sanitaire, de nombreuses questions se posent sur la capacité de l’État à y faire face. Vite, un comité Théodule !


La maladie française des comités Théodule et des commissions machin chose continue de faire des ravages. Après les deux comités de « médecins » puis d’« experts » médicaux, le « conseil scientifique » et le « comité analyse recherche et expertise » (CARE) qu’il avait constitués à l’Élysée, Emmanuel Macron vient de créer un comité d’économistes cette fois, composé de 26 membres, lequel vient s’ajouter au comité économique de Bruno Le Maire et ses 22 membres en place depuis le début de la crise du coronavirus. Mais pour Macron, face à Le Maire, l’honneur est sauf : c’est lui qui a la plus grosse équipe et qui mène au score 26 à 22 !

Après le temps du médical qui touche à sa fin, même si l’on n’a pas encore trouvé le vaccin miracle contre le coronavirus, voici venu le temps de l’économie. Après les mandarins scientifiques, voici maintenant les mandarins économiques. Macron voulait « réparer » le France mais, depuis son élection, il n’a fait que l’enfoncer un peu plus dans ses erreurs et ses travers. Résultat : l’état lamentable du pays, usé jusqu’à l’os par les grèves de 2017, les gilets jaunes de l’hiver 2018-2019 et les grèves dures de l’an dernier (réforme des retraites), un pays déjà à moitié ruiné par ses dépenses excessives et ses dettes, et donc dans l’incapacité de supporter, après trois mois d’horreurs médicales et de traumatisme profond, un effondrement économique tel qu’on n’en avait jamais connu.

Incroyables énarques qui veulent refaire le monde depuis leurs tours d’ivoire de l’Élysée et de Bercy sur le dos des entrepreneurs, seuls en mesure de créer les richesses dont tous les pays du monde ont besoin pour faire fonctionner leur économie

L’enfer du secteur privé

Le président français a donc décidé de prendre le taureau par les cornes et de chercher autour de lui les meilleurs conseils pour remettre en marche le moteur économique de la France, mais pas seulement. N’écoutant que son courage et son ambition, en tant qu’homme d’État qui voit loin, le regard fixé sur la ligne bleue de l’horizon, il veut proposer des réflexions et des réformes « avec des perspectives pas seulement françaises mais aussi européennes et internationales ». C’est ainsi que cette nouvelle commission d’économistes travaillera principalement sur trois grands thèmes : le climat, les inégalités et la démographie, dans le but de « rendre les politiques économiques plus efficaces ».

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Mais alors, que devient la France dans tout cela, une maison très ancienne dont il faudrait d’urgence consolider les fondations complètement moisies, réformer tous les étages de bas en haut et refaire la toiture qui fuit de partout ? Chaque chose en son temps, semble nous dire le président. « Il s’agit d’une réflexion plus large que celle d’un simple plan de relance », d’après l’Élysée. Ah bon ! Alors, si la France n’a besoin que d’un « simple plan de relance », les choses ne vont peut-être pas si mal, après tout ? Qui peut croire ce genre de balivernes alors que tout le secteur privé vit actuellement un enfer dans un tunnel dont il ne voit pas le bout ?

Quelques millions de commerçants et d’indépendants, d’artisans, d’entrepreneurs et de professions libérales, employant des millions de salariés, se demandent s’ils seront encore économiquement vivants en fin d’année, et les hauts fonctionnaires qui nous gouvernent depuis plus de quarante ans et qui conseillent l’actuel président n’ont rien de mieux à nous proposer qu’une commission supplémentaire qui va travailler sur le climat, les inégalités et la démographie ? Parfois, on croit rêver…

Des keynésiens convaincus et obtus

Alors, cette commission ? Voyons voir… Les deux animateurs et rapporteurs seront deux Français, Jean Tirole, Nobel d’économie en 2014, et Olivier Blanchard, ancien chef économiste du FMI. Ils devront rendre leur rapport à la fin de l’année, c’est-à-dire, assez curieusement, après que les décisions de relance les plus urgentes aux niveaux français et européens auront été prises. Cette commission Tirole-Blanchard comporte huit Français, huit Européens et huit Américains, ce qui fait sérieux. On y trouve d’abord des prix Nobel, Peter Diamond et Paul Krugman en plus de Jean Tirole, des pointures américaines, Nicholas Stern, ancien vice-président de la Banque mondiale, et Laura Tyson, ancienne conseillère économique de Bill Clinton. Et bien sûr des Français, Philippe Aghion, professeur au Collège de France et ancien conseiller de Hollande puis de Macron, Daniel Cohen, professeur à Normale Sup et conseiller de Martine Aubry puis de Hollande, Jean Pisani-Ferry qui, lui, a murmuré à l’oreille de Dominique Strauss-Kahn, Lionel Jospin et François Hollande, puis a coécrit le programme économique d’Emmanuel Macron, ces derniers positionnés dans la grande tradition socialiste des keynésiens convaincus et obtus.

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S’ajoutent à cet aréopage quelques Françaises remarquables telles que Laurence Boone, ex-conseillère économique de Hollande, actuellement chef économiste de l’OCDE, ou Stefanie Stantchova, qui est titulaire d’une chaire d’économie à Harvard, l’ENA américain. En revanche, ce sera sans Esther Duflo, lauréate du dernier Nobel d’économie, qui se consacre à l’étude de la pauvreté dans le monde et qui réclame un peu trop vivement la remise en route de l’ISF. Au total, donc, 26 économistes de classe internationale qui vont plancher sur le climat, les inégalités et la démographie. Après tout, pourquoi pas ? On ne voit toujours pas l’intérêt, mais on n’a pas la même longue-vue que le président et ça ne peut pas être pire que les mandarins précédents qui avaient doctement préconisé du Doliprane dès l’apparition des premiers symptômes de la maladie…

Un match avec Sarkozy?

Dans un genre voisin, Nicolas Sarkozy avait eu l’idée déjà de créer en 2008 une commission de distingués économistes, intitulée « commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social » et composée de 17 membres et 8 rapporteurs dont 5 Nobel, soit 25 membres. Là également pour Macron l’honneur est sauf : il mène 26 à 25 ! En pleine crise mondiale, cette commission dite commission Stiglitz, du nom de son président Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie en 2001, avait rendu son rapport en septembre 2009, un remarquable rapport paraît-il, bien rangé depuis dans une armoire des Archives nationales, auquel aucune suite n’a jamais été donnée comme pour des centaines d’autres rapports du même tonneau.

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Il y en a un qui doit plutôt rire sous cape en ce moment, c’est Bruno Le Maire. Lui qui était déjà ministre en 2009 (Agriculture) et qui déclarait dernièrement vouloir « réinventer le capitalisme », a monté sa commission d’économistes à Bercy depuis de nombreuses semaines. Avec ses 22 membres qu’il consulte chaque semaine, il a réuni une brochette de spécialistes dans laquelle on retrouve d’ailleurs quelques membres de la commission Tirole-Blanchard, comme Laurence Boone, Jean Pisani-Ferry, Philippe Aghion ou Daniel Cohen. Bruno Le Maire, qui voit très loin, presqu’aussi loin que Macron comme il sied à un collaborateur zélé, n’a pas hésité à déclarer récemment : « Nous avons une occasion unique de repenser le modèle économique français. […] Pour la première fois depuis des décennies, parce que notre économie est à l’arrêt, nous pouvons et nous devons réfléchir à ce à quoi sert notre économie… »

Pas un seul « expert » du privé!

Incroyables énarques qui veulent refaire le monde depuis leurs tours d’ivoire de l’Élysée et de Bercy sur le dos des entrepreneurs, seuls en mesure de créer les richesses dont tous les pays du monde ont besoin pour faire fonctionner leur économie. Or, dans ces prestigieuses commissions de Macron et de Le Maire, on ne trouve pas un seul conseiller, pas un seul « expert » qui connaisse la pratique économique, qui ait travaillé dans une entreprise le temps de se rendre compte des vrais problèmes de l’économie française, a fortiori qui ait dirigé une PME familiale, une ETI ou une multinationale cotée en Bourse. Pas un seul ! Mais ils veulent donner de la consistance à leurs rêves utopistes tout en donnant des leçons de gestion aux entrepreneurs français qui sont les plus suradministrés et les plus taxés du monde. Hélas, trois fois hélas, il n’y a pas et il n’y aura jamais de vaccin contre l’incompétence, l’arrogance et la démagogie.

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Journaliste et entrepreneur

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