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Coluche, et après


En ce qui me consterne, j’en viens parfois à regretter les obscénités flatulentes de Hara Kiri, et surtout le foutoir subtil du premier Charlie Hebdo, celui de Reiser, Willem, Berroyer et Delfeil de Ton (1969-1990).

Quant au deutéro-Charlie, né en 1992, c’est celui où cohabitèrent pendant plus de quinze ans, sans drame apparent, les jeunes divorcés Val et Siné. Mais grâce aux Inrocks qui leur ont consacré deux interviews séparées et un édito bayrouiste, on sait désormais toute la vérité : ces deux-là ne se sont jamais aimés ! Au point même que le chef Val ne lisait pas son pigiste Siné, qui lui-même ne lisait que lui-même.

Et pourtant, s’il fallait les départager, il n’y aurait guère que le conflit israélo-palestinien. Pour le reste, leurs deux hebdos désormais concurrents nous resservent ad nauseam la même Assiette au Beurre (1905-1912) : mort aux curés (à soutane), aux bourgeois (à cigare) et aux gavés (du « caca rente ») ! Seule nouveauté sur ce 78 tours rayé : l’appel à la résistance immédiate contre l’envahisseur hitlérien !

C’est précisément dans ce triste travers qu’est tombé Desproges avec son gag sur « la queue de Le Pen ». Visant n’importe qui d’autre, une telle saloperie eût suscité, non sans raison, l’indignation générale et la référence obligée aux « heures les plus noires » t’as qu’à voir : celles de Je suis partout. Mais là, nul ne songea même à broncher : cette vilenie n’était-elle pas justifiée par ce concept fort qu’on appelle « rire de résistance » ?

Vingt-cinq ans durant, l’antilepénisme primaire aura donc servi d’impératif catégorique à notre société amorale, voire de consensus en creux à un petit monde politico-médiatique qui ne l’est pas moins[2. Creux.].

Le climax de cette hystérie collective fut atteint lors de la présidentielle de 2002, avec l’orwellienne « Quinzaine de la Haine » fustigée en son temps par notre chef vénérée[3. Elisabeth Lévy.]. Rappelons-le pour les plus jeunes d’entre vous : on put voir alors l’ensemble des démocrates sincères de ce pays – à la notable exception d’Arlette Laguillier et d’Alain Griotteray – descendre dans la rue pour dénoncer… le suffrage universel.

« Si Le Pen passe, je me casse aux Etats-Unis ! » entendait-on alors, non pas dans nos campagnes mais dans nos meilleurs dîners en ville. Est-ce grâce à ces réunions Tupperware® de luxe ? Toujours est-il qu’en fin de compte, le pire fut évité au deuxième tour – mais de justesse : à 64% des voix près, n’oublions jamais[1. La France put donc se rendormir pour cinq ans sous la douce houlette d’un président fainéant assez confortablement réélu par « la gauche, la droite, même le Bon Dieu » (Daniel Guichard, XI, 8) De fait nos évêques n’hésitèrent pas, dans cette affaire décisive, à faire entendre leur sacrée voix – au risque d’être accusés de viol de la laïcité par nos instits barbus ; heureusement ceux-ci, en fin de compte, opinèrent que ça allait pour cette fois.] !

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