Colombie: la paix maintenant?


Colombie: la paix maintenant?
Camp des Farc, janvier 2016. Sipa. Numéro de reportage : AP21848346_000022.
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Camp des Farc, janvier 2016. Sipa. Numéro de reportage : AP21848346_000022.

Certains conflits passionnent l’opinion, d’autres moins. Ainsi, si on parle à juste titre de la guerre en Syrie, de l’Irak et maintenant de l’Etat islamique, du moins depuis qu’il nous a attaqués ; de la Libye, du Soudan (un peu), et très régulièrement, du conflit israélo-palestinien, on ne parle guère, ou bien peu, du conflit qui oppose les guérillas d’inspiration dite marxiste au gouvernement de droite en Colombie. Pourquoi ne s’intéresser qu’au rapt d’Ingrid Betancourt, militante écolo franco-colombienne ?

Soixante ans de guerre civile

Revenons aux sources de la guerre civile dont l’enlèvement de la candidate verte à la présidentielle colombienne de 2002 ne fut que la énième péripétie. Il y eut naguère, dans les années 1940 un monsieur dénommé Jorge Eliécer Gaitán, candidat à la présidentielle, à juste titre très populaire, proposant de faire des réformes sociales inédites (qui manquent encore cruellement au pays), et également de faire éclater au grand jour des soupçons de corruption dans son propre parti. Malheureusement, l’oligarchie ne l’entendant pas de cette oreille, Gaitán fut assassiné, on ne sait d’ailleurs pas vraiment par quel camp.

La droite catholique et la gauche libérale entrent alors dans un conflit très violent, des militaires et des groupes armés conservateurs commettent des exactions sur des paysans, qui s’organisent en groupes d’autodéfense, c’est la période de la « Violencia », qui porte très bien son nom. Selon sa fille, le défunt Jorge Eliécer Gaitán aurait dit que si jamais il lui arrivait d’être assassiné, suivrait soixante ans de guerre civile. Un prophète, ce Gaitán ?

Dix ans plus tard, un jeune agriculteur analphabète dénommé Manuel Maruland,  qui a vu une partie de sa famille massacrée par l’armée, fonde les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc). Il sera resté moins connu que Fidel Castro.

Si Fidel a pu faire sa révolution, sans trop de résistance, Marulanda et ses Farc ne sont pas parvenus à grand-chose en soixante ans de guerre, si ce n’est s’attirer l’antipathie d’une bonne partie de leur concitoyens et aussi du reste du monde. Cerise sur le gâteau, la gauche sociale est arrivée au pouvoir au Chili, en Equateur et en Bolivie sans violence. C’est sans doute la raison pour laquelle les Farc, conscients d’en être toujours au même point qu’il y a soixante ans, sont-ils acculés à choisir la voie de la paix.

Uribe contre son successeur

Dans les négociations de paix en cours, un nom revient sans cesse : Timochenko. Si le nom est facile à retenir, le personnage n’est pas aussi connu que Yasser Arafat. Pourtant, il a lui aussi passé toute sa vie au sein d’une organisation révolutionnaire pour certains, terroriste pour d’autres, les Farc. Médecin cardiologue, il a été entraîné militairement dans la Yougoslavie du maréchal Tito avant d´intégrer les Farc, dont il a pris la direction il y a cinq ans. Bien que sa petite barbe lui donne des airs de Robert Hue, il est loin d’être un ange. Jugez par vous-même les saloperies qu’ont commises les Farc : attentats, extorsions, enlèvements, assassinats ciblés ou exécutions en masse (de pauvres paysans) etc. On comprendra que les familles des victimes des Farc, comme celles de l’armée ou des paramilitaires, aient du mal à pardonner. Par ailleurs, les Farc n’ont pas lésiné sur l’embrigadement précoce, non seulement pour éduquer les têtes fraîches à leur façon, mais aussi pour en faire des soldats.

En Colombie, malgré une guerre larvée qui dure depuis plus de soixante ans, les horreurs et les six millions de déplacés sur son territoire qui en découlent (le plus grand nombre de déplacés interne au monde jusqu’à l’avènement de la guerre en Syrie), il semble qu’un chemin vers la paix soit tracé. Et cela sans des allers-retours d’Obama, sans les gesticulations de l’ONU ou les propositions de conférences de Fabius. Bien sûr, ce n’est pas encore gagné ; l’ancien président Alvaro Uribe, issu de la droite dure et proche des paramilitaires, ne l’entend pas de cette oreille, tout comme le groupe paramilitaire ELN (Ejercito de liberación nacional), qui ne semble pas disposé pour l’instant à jeter les armes. Mais jusque-là, les efforts des deux côtés se dirigent vers une paix encore improbable il y a quelques années. Pourtant, le président colombien Juan Manuel Santos était le ministre de la Défense de son prédécesseur et n’a rien d’un nouveau Nelson Mandela (sera-t-il le nouveau De Klerk ?). Les deux camps semblent en tout cas avoir la volonté d’arriver à un accord de paix.



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Enseignant, auteur du roman "Grossophobie" (Éditions Ovadia, 2022).

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