Le collège Stanislas a été condamné par les médias et sermonné par l’inspection générale de l’Éducation pour une raison aussi simple que dérisoire: son instruction à l’ancienne. C’est pourtant ce modèle d’exigence, à l’opposé du progressisme égalitariste, qui défend le mieux nos fameuses valeurs républicaines.
Avec ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Stanislas », les Français ont récemment découvert, médusés, des faits étonnants : une école privée catholique donnant à ses élèves des cours de catéchèse en plus du programme de l’Education Nationale, des garçons jouant au football à la pause méridienne, une majorité de filles discutant entre elles pendant les récréations, un règlement intérieur bannissant le crop-top, exigeant que les cheveux (des filles) soient attachés, la barbe (des garçons) rasée de frais le matin ou bien encore que la tenue de sport soit tautologiquement réservée au cours d’éducation physique et sportive. Inattendu et préoccupant.
De surprise en surprise
Personne, en effet, n’aurait pu imaginer autant de fantaisie de la part d’un établissement privé sous-contrat. À la surprise générale, on a même appris que « Stan’ », fondé au début de l’Anthropocène par l’abbé Liautard et développé par la congrégation des Pères marianistes, ne proposait pas d’accompagnement spirituel bouddhiste ou animiste à ses élèves, se limitant benoîtement à la pastorale catholique, au grand mépris de la fluidité de croyances (faith fluid). Autres curiosités : que le récent Prix Nobel de littérature Annie Ernaux, auteur de L’Evènement (2000) – récit de son avortement – n’ait pas été pressentie pour y assurer les séances d’Education à la vie affective, relationnelle et sexuelle en lieu et place d’intervenants extérieurs parfois fantasques, ou que des associations gender fluid friendly n’aient pas eu l’opportunité de venir parler aux élèves des « Valeurs Républicaines », registre dans lequel elles se distinguent pourtant.
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C’est en termes bien plus administratifs mais non moins amusants que le rapport de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) dresse la liste des péchés de lèse-progressisme du Collège Stanislas. Cette ultime affaire Stan’ n’est pas une affaire de mœurs susceptible de briser la confiance en toute structure éducative, mais une histoire de cour de récréation injustement monopolisée par le foot des garçons, de dispositifs sportifs inégalement investis par les filles, de règles vestimentaires ou d’activités relevant de stéréotypes de genre et d’intervenants extérieurs confondant apparemment l’éducation à la sexualité avec la description du célèbre triptyque de Jérôme Bosch, Le Jardin des Délices (fin du XVe siècle). Le talent du peintre en moins.
Faites repentance…
Soyons rassurés dans nos cheminements progressistes respectifs et réjouissons-nous d’abord avec l’Inspection générale sur un point : le football féminin à Stanislas semble en passe d’arracher de haute lutte quelques mètres carrés de terrain aux garçons. Inquiétons-nous, en revanche, des dérives sexistes d’un rigorisme vestimentaire qu’on aurait tort de limiter à l’abaya. Chaussures de ville, chemise dans le pantalon, pas d’épaules dénudées, de poitrine ni de nombril à l’air : ce rigorisme désuet, ces tenues genrées à tendance fondamentaliste, sont susceptibles de nuire à des Valeurs Républicaines désormais incarnées par le survêt’ unisexe et polygenre, respectueux de l’égalité fille/garçon et de l’esthétique des fêtes d’Halloween. Indignons-nous, pour terminer, de l’inexpertise navrante de cette école en matière d’Education à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) dont l’intitulé, frappé au coin de la poétique administrative, résume pourtant si bien toute la philosophie et la littérature sur l’amitié, l’amour, soi-même et les autres que les différentes civilisations se sont échinées à produire au fil des siècles. Au-delà des dangers spécifiques liés à la sexualité et qui doivent faire l’objet de prévention en milieu scolaire (violences sexuelles, pédophilie, pornographie en ligne, maladies sexuellement transmissibles), il est tout de même assez simple de comprendre que l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle « est une éducation à une citoyenneté complète promouvant des relations affectives saines, le consentement, la tolérance à l’égard des orientations sexuelles et minorités de genre et la lutte contre les inégalités » (site du Conseil économique, social et environnemental, CESE). « Citoyenneté complète » et qui coche toutes les cases, c’est bon pour vous ?
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Telle une université américaine devenue le lieu d’une surenchère woke susceptible de la laver de tout soupçon de privilèges historiques, le Collège Stanislas a été appelé à faire sa conversion progressiste : rendre obligatoire le caractère facultatif de l’instruction religieuse, indifférencier les tenues vestimentaires pour promouvoir le respect des différences, veiller à une stricte parité de ses effectifs pour ne pas sexuer ses élèves. Devant la faillite générale de l’instruction et la violence à l’école, à grand renfort de formules creuses commençant et terminant par « valeurs républicaines » – ces deux mots dont on a fini par oublier le sens exact tant ils servent de vitrines blindées aux nouveautés sociétales doctrinaires – la France des professeurs assassinés et des élèves suicidés a été priée de s’exaspérer devant les Aventures du Petit Stanislas.
« Citoyenneté complète », en effet.