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Collectif Racine : Les hussards bleus de la Marine


Collectif Racine : Les hussards bleus de la Marine

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« Pas de fachos dans nos écoles ! » On peut lire cette courageuse proclamation sur les affiches du Collectif anti-fasciste Paris-Banlieue placardées dans tout Paris. En cette mi-octobre, ce n’est pas l’été indien qui échauffe les beaux esprits. C’est la faute à Racine, du nom d’un collectif enseignant de soutien à Marine Le Pen[1. Pour trouver son nom, le collectif s’est inspiré du dramaturge Jean Racine en jouant sur son homonymie avec le mot «racine».] qui revendique près de 300 membres. Pour sa première sortie en ville, la coterie inattendue fait (petite) salle comble au fin fond du 15e arrondissement. À la tribune, autour de leur porte-parole Yannick Jaffré, les quatre autres signataires de l’« Appel pour le redressement de l’École » qu’avait publié Le Figaro au printemps 2013.

Aucun doute, Jaffré est brillant. Cet agrégé de philo lyonnais au verbe fluide exhibe un CV impeccable de converti au marinisme. Lycéen au début des années 1990, il ne manquait jamais une manif «antifa ». Mais ça, c’était avant.[access capability= »lire_inedits »] Aujourd’hui, ce « patriote de gauche » se dit en guerre contre l’axe du Mal « libéral- libertaire ». Ses cibles ? Sans trop de surprise, la gauche « qui parle espéranto et a oublié la République » et la « droite libérale qui parle anglais et a oublié la nation ». Du collège unique giscardien aux réformes Peillon, toutes deux complotent de concert depuis quarante ans pour démanteler l’École républicaine. En vertu de quoi un sursaut s’impose pour les Racine.

La vocation de l’École de demain sera de construire, par le retour à l’instruction publique, l’«aristocratie populaire française ». Une expression qu’on dirait traduite, un peu trop scolairement, façon dico de synonymes, du fameux « élitisme républicain » prôné il y a trente ans par Chevènement lorsqu’il était ministre de l’Éducation nationale. Et si cet excellent orateur brille sur les dossiers de fond par son esprit de sérieux, sa psycho-rigidité manifeste le dessert dans certaines envolées. On le croit plus facilement lorsqu’il fait appel aux mânes de Racine qu’à celles de Michel Audiard. Encore un effort pour fendre l’armure, camarade hussard!

Question intransigeance républicaine, Yannick Jaffré a une sérieuse concurrente en la personne de Valérie Laupies, institutrice en ZEP depuis vingt ans, qu’il présente comme le « futur maire de Tarascon ». La ci-devant prof de gauche, aujourd‘hui « conseillère à l’éducation primaire » du FN, concède sans ambages que sa corporation a été trop longtemps maltraitée par son parti. Heureusement, « avec Marine, ce temps est révolu ». La brune à l’accent chantant narre l’« aventure épuisante » qu’ont été ses années passées à inculquer les bases de la lecture, de l’écriture et des mathématiques à des « petits sauvageons ». Décidément, on n’est pas avare, ce jour-là, en références chevènementistes. Et puisqu’on est définitivement dans le registre républicain, Valérie Laupies déchaîne les applaudissements quand elle dit sa fierté d’avoir fait apprendre une poésie aux rimes cocardières à sa classe d’enfants pour moitié gitans et maghrébins. Racistes, nous, jamais ! On est mariniste, donc assimilationniste.

Et c’est vrai, jusqu’ici, rien qui puisse choquer un républicain bon teint, fût-il basané. Zéro concession au nationalisme obtus (on n’ose pas dire « de papa »). Pas de trace non plus de colis piégé, genre discrète comparaison simiesque ou allusion codée aux Poèmes de Fresnes de Brasillach. Mais l’on revient néanmoins aux fondamentaux frontistes avec Gilles Lebreton. Ce professeur de droit public décortique les conséquences de la loi Fioraso sur les universités. Classique, la critique de la « priorité internationale » accordée aux étudiants étrangers pour l’octroi d’une caution locative recycle le b.a-ba du Front national. Moins attendue, l’analyse méthodique de l’article 6 de la loi dévoile une notion sibylline : la « société inclusive » que les facs se doivent désormais de valoriser, suivant les recommandations du rapport Tuot sur le vivre-ensemble [2. Ce texte baroque remis au président de la République en mai recommande à la France de s’adapter à ses immigrés, et non l’inverse…].

Lebreton agite le spectre du multiculturalisme anglo-saxon, l’inclusion ne présageant pas l’assimilation des immigrés, ni même leur intégration. Là encore, une évidence : le Front a su renouveler son offre universitaire. On est loin du bon vieux temps des blousons noirs, des barres de fer et des casques à croix celtiques. Preuve que cette offensive de charme vient de haut, c’est Marine Le Pen en personne qui clôt la surboum. Et là, curieusement, les coutures craquent, notamment quand elle concentre ses critiques sur le fameux discours de Vincent Peillon autour de la morale laïque. Plus précisément, Marine est debout contre la thèse du ministre selon laquelle « pour donner la liberté du choix, il faut être capable d’arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel… ».

Zéro pointé, dixit Marine : pour elle, « le but d’une École laïque et républicaine ne peut être d’“arracher” l’élève à sa sphère privée, à son histoire personnelle, mais au contraire de lui permettre de la situer, de se situer donc, dans son époque et dans son pays, pour être demain citoyen dans l’espace public ». Quo vadis, cheffe ? Tout ça pour ça ? Pourquoi nous bassiner avec l’assimilation des immigrés et pilonner l’« arrachement » prôné par Peillon ? Sur ce coup-là, le ministre se montre beaucoup plus logique avec lui-même que la présidente du FN. Si celle-ci allait au bout de son raisonnement anti-arracheur, pourquoi ne pas soutenir l’enseignement des « langues et cultures d’origine » − arabe et wolof compris ? Nolens volens, Marine Le Pen défend un enracinement à la carte. Si la mouvance frontiste a entamé sa mue, il lui reste encore à s’alléger de quelques peaux mortes pour faire rimer Marine avec Marianne…[/access]

*Photo: LCHAM/SIPA. 00667238_000050.

Novembre 2013 #7

Article extrait du Magazine Causeur



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