L’histoire incroyable de la mort du député turc Hasan Bitmez
Le discours était sans surprise. Le 12 décembre, le député turc Hasan Bitmez, qu’on dit islamiste, a déroulé un argumentaire bien rodé dans l’impressionnant hémicycle de l’Assemblée nationale d’Ankara. Le passage obligé de la diatribe est bien sûr l’appel exalté à la fureur divine afin qu’elle s’abatte enfin sur Israël et réduise à néant le pays, ses populations et jusqu’au moindre vestige de son existence. Rien que de très classique, somme toute. Tout aussi convenu, du moins dans cette bouche-là, un autre couplet, fustigeant, celui-ci, l’ambiguïté des relations entretenues entre la Turquie d’Erdogan et l’État juif, un flou que l’orateur ne manque pas de dénoncer, de condamner. Quand il termine avec sa prestation, il peut être content de lui. Il a fait le job. En apothéose, cette terrifiante menace : « Même si vous échappez aux tourments de l’histoire, vous ne pouvez pas vous sauver du châtiment d’Allah ! »
A lire aussi, Barbara Lefèbvre: Viols du 7 octobre: féministes, où êtes-vous?
Or, voilà bien qu’avant même de s’écarter de son pupitre, il choit. En effet, il ne vacille pas. Il s’effondre, littéralement terrassé. La sidération passée, des collègues parlementaires se précipitent. Qui pour éventuellement secourir, qui pour voir s’il n’y aurait pas quelque chose de bien horrible à regarder. Bien vite, une interrogation qu’on pourrait qualifier de métaphysique se pose. Puisque, dans son propos l’élu invoquait la puissance divine, celle-ci l’a-t-elle frappé pour le châtier d’avoir une fois encore appelé à la destruction d’Israël, ou pour avoir osé voir dans les louvoiements du calife suprême Erdogan une épouvantable compromission à la fois politique et religieuse ? On ne le saura jamais, tant la transparence fait défaut aussi en matière de colère divine. La transparence, certes, mais nullement l’intransigeance, puisque le téméraire imprécateur devait, hélas, décéder peu après de ce qui s’est révélé être une crise cardiaque. Chez nous – laïcité soit louée ! – ces choses n’ont pas cours. Aucune fureur céleste ne saurait terrasser un politique. Il est vrai qu’une motion de rejet y suffit.