Le jour de mon mariage, j’ai demandé à ma compagne si elle aimait The Big Lebowski. Comme elle a dit oui, je lui ai dit oui. Je pense que je n’aurais pas pu me marier avec quelqu’un qui n’aime pas les frères Coen. Quel art de vivre chez ce branquignole qui n’en fiche pas une. De toutes les conduites humaines condamnées au tribunal de l’époque, je n’en connais guère de plus injustemment décriée que la fainéantise. Sa fonction est pourtant centrale pour l’équilibre de l’esprit. La fainéantise est à la vie en société ce que la douleur est à l’organisme : un signe que quelque chose ne va pas. Sans elle, pas moyen de détecter la stupidité sous-jacente du monde. Vous n’avez pas envie d’entamer une énième discussion avec tel interlocuteur alors même que cet homme est très cultivé et qu’il connaît personnellement Umberto Eco ? Suivez votre intuition. Un imbécile, cet interlocuteur l’est certainement, inutile de vous persuader du contraire. Non seulement la fainéantise vous permet de trier intuitivement entre les crétins et les autres (ce qui serait déjà beaucoup), mais elle vous permet de trier entre les bonnes et les mauvaises propositions. Supposez que, dans un élan d’enthousiasme, je propose à tous les fainéants du monde de se donner la main. Bien des fainéants refuseront de se lever le jour J. Et ils auront raison. Qu’y a-t-il de plus stupide qu’une telle proposition ?
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