Pour nécessaire qu’elle soit, la réforme du code du travail en cours d’élaboration ne suffira pas à doter la France d’un vrai marché du travail. Pour qu’un tel marché existe, il faut que soit clarifiée la notion de prix du travail. Depuis fort longtemps, les contrats de travail portent sur le salaire brut, grandeur qui ne correspond nullement à ce que l’employeur débourse pour disposer des services du salarié. Le véritable prix du travail est le salaire « super-brut », somme du salaire brut et des cotisations sociales patronales.
Pour des cotisations « civiles »
Les pouvoirs publics peuvent à tout moment modifier le coût du travail pour l’employeur en augmentant ou en « allégeant » ces « charges ». Le prix du travail ne se forme donc pas sur un véritable marché : il dépend largement de décisions étatiques relatives aux cotisations patronales. Il est par exemple arbitrairement diminué pour les emplois réputés peu qualifiés, en minorant les taux de cotisations patronales appliqués aux bas salaires, ou en utilisant, pour produire un effet analogue, des artifices tels que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).
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Se dire partisan de l’économie de marché et accepter, voire réclamer, de telles mesures, est incohérent. La protection sociale aboutit toujours à ponctionner les ménages : pourquoi s’entêter à maintenir une apparence de partage de son poids entre les salariés et leurs employeurs ? Il serait plus conforme à la vérité d’établir une bonne fois pour toutes que les cotisations sociales ne sont ni patronales, ni salariales, mais tout bonnement « civiles », prélevées sur les ménages en paiement de leur couverture sociale.
L’information est le début de la simplification
La réforme du marché du travail implique donc, pour être vraiment efficace, une réforme du financement de la Sécurité sociale. Le jour où celle-ci puisera ses ressources directement sur le compte en banque de chaque ménage, les entreprises seront déchargées de toutes sortes de formalités. Et surtout, le salarié dont la rémunération mensuelle véritable est 5 000 € en recevra effectivement 5 000, et non 3 000 ou 2 800 comme c’est le cas aujourd’hui ; il comprendra très concrètement ce qu’il coûte réellement à son entreprise, et ce que lui coûte la Sécurité sociale. En l’absence d’une prise de conscience des coûts véritables du travail d’une part, et de la Sécurité sociale d’autre part, les mécanismes régulateurs du marché du travail et de la production de protection sociale sont tragiquement insuffisants.
S’ils ne sont pas couplés avec une réforme de ce type, les changements qui seront effectués en matière de législation du travail produiront probablement des effets décevants, parce qu’il ne s’agira pas de changements stratégiques, systémiques, structurants. L’information est la clé de tout ; et l’information numérique que constituent les crédits et débits de nos comptes en banque en est une composante névralgique. Tant que les acteurs ne disposeront pas d’une information adéquate, sous cette forme, sur leur rémunération et sur son usage, la simplification du code du travail ne produira qu’une fraction des effets bénéfiques que l’on pourrait obtenir en adoptant une approche plus complète de ce problème.
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