Depuis la victoire de l’équipe de France face à l’Ukraine, la presse couvre à nouveau de lauriers les valeureux combattants. Lors de cette grand-messe que les Français regardent avec indifférence ou écœurement, on a réentendu les slogans de 98. Les éloges dithyrambiques des journalistes sportifs, adeptes de la versatilité, se sont mêlés aux « Et un, et deux, et trois zéro ! » On comparait Sakho, le Sauveur, à Thuram et Benzema à Zidane. C’est que la presse tente de ressusciter le mythe de la France « Black, Blanc, Beur », la seule à gagner ! Le vivre-ensemble à la française est porté aux nues de sorte que l’on ne sait pourquoi les études et les parutions se multiplient sur le mal-être de la France.
Le chauvinisme réapparaît dans les éructations des supporters qui ont encore les moyens de payer une tournée au bar du coin, et également grâce aux drapeaux algériens fièrement brandis sur les Champs-Elysées. Ce dont on est sûr, c’est que France-Ukraine restera dans les annales comme l’un des matchs d’envergure de l’équipe de France. Face à nos joueurs, des ukrainiens méconnaissables dont on avait pourtant pu voir à l’aller, sinon la précision technique, du moins l’allant de la persévérance et de l’intention. Curieusement, ils ont semblé totalement démotivés, rendant le ballon à l’adversaire très rapidement. Toutes les conditions étaient réunies pour assister au sursaut de l’équipe de France, savamment orchestré comme un miracle, avec Hollande dans les tribunes, le Grand Homme venu rendre hommage à onze autres Grands Hommes. Le tableau est magnifique !
La victoire de la France est une rédemption, les médias claironnent que la réconciliation avec les supporters est proche. De même, François Hollande, adepte de la métaphore filée, s’est empressé de revenir d’Israël pour assister à ce moment crucial de l’Histoire de France. À défaut de trouver des solutions pour sortir le pays de l’ornière, Hollande se fend de déclarations convenues : « C’est une victoire d’une équipe qui s’est battue de la première minute jusqu’à la dernière, qui y a cru, qui s’est rassemblée. Les victoires, en ce moment, on les goûte particulièrement. » Au-delà de l’enjeu sportif bien mince, les impératifs économiques et politiques ont primé.
Le coq français peut se pavaner, il y a effectivement de quoi être fier. Ancienne grande Nation du foot, la France court après une qualification en barrage pour le Mondial. Elle y affronte une équipe dépourvue de joueurs d’envergure internationale qui a été présentée d’emblée comme une chance. Heureusement que l’on n’était pas face au Portugal ! Pour la suite, la teneur footballistique d’une rencontre médiocre où le ballon était en l’air plutôt que sur la pelouse laisse perplexe. De surcroît, cette célébration outrée des médias honorant une équipe qui est loin de faire l’unanimité laisse également pantois.
On ne peut s’empêcher de mentionner l’état déplorable de la pelouse qui a permis au gardien ukrainien de glisser et ne pas pouvoir se relever à temps pour pousser le ballon en corner. Après une victoire, des remerciements sont de rigueur. On remerciera donc Evra, qui après le premier but de Benzema signalé hors-jeu par l’arbitre de touche, s’est empressé de lui « mettre la pression ». Cela a fonctionné, puisque le but suivant, qui lui, était bien hors-jeu a été accordé. On a raison de célébrer l’exemplarité de ces joueurs qui ne sont pas les derniers à faucher leurs adversaires sur le terrain mais les premiers à écarquiller les yeux devant les arbitres et à insulter les uns et les autres. Cela transpire le fair-play. Les mêmes viendront ensuite défendre le métier d’arbitre qui devient de plus en plus difficile en banlieue.
C’est la France de 98 qui propose comme modèle aux nouveaux arrivants l’intégration par le foot et l’argent facile. L’envolée sauvage des joueurs français, « prêts à mourir sur le terrain », ne s’arrêtent pas là. L’arbitre a eu l’idée sage d’expulser un joueur ukrainien au début de la seconde période, ne laissant aucune chance à une équipe qui n’était plus que l’ombre d’elle-même. Pis, à onze contre dix, les vaillants combattants ont été incapables de mettre un but limpide sans contestation possible. Il a fallu la maladresse d’un défenseur ukrainien pour sceller la qualification française lors d’un but contre son camp que de nombreux supporters attribuent à Sakho. Prompts à l’hystérie collective dans ce qui ressemble à une ferveur patriotique dévoyée, les supporters et les médias tranchent avec le reste de la population française.
Pour Monsieur Tout-le-Monde, le divorce est consommé avec certains des joueurs de cette équipe. Si le pic d’audience dont se targue TF1 rassure les actionnaires et les sponsors, on ne doit pas sous-estimer la fracture qui existe entre cette équipe et les Français. Certains regardent ses matchs en espérant qu’elle perde et que le ménage y soit fait. Las, les intouchables de Knysna se permettent des sorties ignobles dans la presse, respirent la classe en chantant à peine la Marseillaise, rayonnent de courage quand ils sont au bord du gouffre personnellement et que les sponsors leur ont hurlé de « faire un effort ». On en vient à supporter systématiquement l’équipe adverse de la France tant l’exaspération croît face à la prétention.
Il est beau de voir que cette équipe aux joueurs et au jeu médiocres va représenter la France au Brésil. On attend avec impatience le prochain scandale. Les rencontres qui viennent ne se joueront pas à domicile. On attend leur prestation face aux grandes nations du foot. Pour voir du beau jeu et de l’excellence, les puristes savent qu’il ne faut pas regarder un match de l’équipe de France ou que l’on en réduit à se repasser de vieilles vidéos.
Mais c’est le sursaut que l’exécutif attendait ! Ayrault et Hollande savourent cette victoire et les nigauds suivent béatement. Rangez donc vos bonnets rouges, la victoire contre l’Ukraine annonce une seconde coupe du monde ! La gloire française et ses valeurs de respect ne signifient donc plus rien puisque la réjouissance collective semble obligatoire sous peine d’être suspecter d’antipatriotisme.
Les prolos qui perdent leur travail, surendettés, qui se suicident parce qu’ils se savent déjà condamnés, ce n’est pas bien grave, tant que la bacchanale se poursuit ! Encore un effort, le crépuscule des dieux ne fait que commencer…
*Photo : PDN/SIPA.00669769_000064.
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