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Parti québécois: le vaisseau fantôme

L'indépendance du Québec n'est pas pour demain


Parti québécois: le vaisseau fantôme
Francois Legault, dirigeant de la Coalition Avenir Quebec lors d'une conférence à Montreal le 8 avril 2014. Numéro de reportage : AP21551076_000012 Auteurs : Paul Chiasson/AP/SIPA

Opposition des progressistes et libéraux, incompréhension des enjeux nationalistes, mauvaise lecture du contexte politique mondial pourtant favorable au souverainisme: le Parti Québécois est au bord du naufrage.


Il y a maintenant plus d’un an que la Coalition Avenir Québec (CAQ) et son chef François Legault, ancien président de Transat A.T., se sont vu accordé le mandat de diriger le Québec jusqu’en 2022. Porté par une majorité en chambre obtenue grâce à 37,4% des suffrages dépouillés, le gouvernement caquiste accumule les succès populaires tout autant que les attaques des médias et chroniqueurs bien-pensants. L’adoption d’une loi sur la laïcité interdisant le port de signes religieux ostentatoires chez les employés de l’État en position d’autorité, incluant les professeurs, a suscité l’ire des militants progressistes et des libéraux ainsi que la condamnation de tous les chefs de parti fédéraux lors de l’élection canadienne du 21 octobre dernier.

Crise de régime en vue et contexte favorable…

Plus récemment, une réforme de la loi sur l’immigration, l’imposition d’un test de valeur préalable à l’accueil des candidats étrangers, la mise sous tutelle de la commission scolaire English Montreal, le désir que toutes les communications gouvernementales avec les nouveaux arrivants se fasse en français ont solidifié l’appui massif des québécois francophones non-métropolitains envers le gouvernement Legault tout en galvanisant, d’autre part, l’opposition des urbains « éclairés », des militants intersectionnels et autres progressistes à la mode, la communauté anglophone du Québec et le reste du Canada, tous gonflés de l’apparente tolérance que leur confère leur appui aveugle à l’idéologie diversitaire.

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Le Canada, sous Justin Trudeau, est pour eux le pays de rêve. Toute velléité nationaliste des régionaux leur semble suspecte, encore plus si celle-ci s’accompagne d’un désir de faire sécession. Le Canada n’est-il pas par nature, comble du bon goût, un état « post-national », pour paraphraser le premier ministre canadien? Dans ce contexte, la survenue d’une crise de régime opposant les préférences politiques des québécois « de souche », traduites par les politiques du gouvernement Legault, à celles inscrites dans la constitution canadienne et sa Charte des droits et libertés auxquelles adhèrent sans hésitation tous les apôtres de la rectitude politique semble inévitable. C’est l’occasion rêvée pour les partisans de l’indépendance du Québec de se préparer à frapper un grand coup.

… mais les indépendantistes hésitent

Or le Parti québécois, seul parti ayant comme pierre d’angle de son programme politique la réalisation de l’indépendance du Québec, semble plus égaré que jamais. Réunis en congrès extraordinaire les 8 et 9 novembre dernier, les membres étaient invités à entamer un grand chantier de refondation où tout devait être mis sur la table et soumis à débat. Ce qui en est ressorti laisse pour le moins perplexe quant à la capacité des bonzes péquistes à lire le contexte politique actuel, tant en ce qui a trait à l’opposition frontale qui se dessine entre les intérêts de la nation québécoise et la fédération canadienne qu’en ce qui relève plus largement du regain général des peuples occidentaux pour la défense et la récupération de leurs souverainetés nationales face aux effets dissolvants du mondialisme libéral.

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Plutôt que d’affuter leurs armes pour proposer la souveraineté aux Québécois lorsque la CAQ pliera l’échine devant l’autorité législative canadienne – car la CAQ, faut-il le rappeler, est ouvertement fédéraliste, ayant fait son beurre du rejet de la question nationale québécoise -, le PQ cherche à se conformer plus proprement aux diktats de la rectitude politique libérale-progressiste. Plaire aux médias, aux montréalais et à l’élite universitaire, pourtant foncièrement méfiante envers toute forme de souveraineté populaire ou d’élan nationaliste, voilà la (pas si) nouvelle « fausse bonne idée » du Parti québécois.

C’est par le truchement de la lutte contre le changement climatique qu’on semble vouloir reconquérir l’électorat québécois. La souveraineté, dans tout cela, est traitée comme un moyen d’arriver à la véritable fin: empêcher l’apocalypse climatique d’advenir. L’hypothèse d’un remaniement de l’image de marque du parti par une grande firme de publicité montréalaise et d’un changement de nom est aussi évoquée.

L’attention apportée à ce potentiel changement cosmétique est révélatrice du déclin intellectuel de ce qui fut jadis, au Québec, un grand parti d’idées. On nous promettait pourtant une mise en avant de l’indépendance. Nul ne semble pourtant enclin, au PQ, d’établir sérieusement un plan d’action pour réaliser effectivement la souveraineté en cas de crise de régime opposant les intérêts du Québec avec le Canada.

Un nouveau président

À l’issue du congrès, un nouveau président prendra les rênes du parti: l’économiste Dieudonné Ella Oyono. Originaire du Gabon, M. Ella Oyono promet de faire en sorte que le Parti québécois tende désormais davantage la main aux citoyens issus de la diversité. Difficile de ne pas lire entre les lignes de cette affirmation que le projet souverainiste porté par le Parti québécois était jusqu’alors, aux yeux du nouveau président, trop ethnocentré…

Quid de l’héritage du poète député Gérald Godin, qui parcourait les quartiers ethniques montréalais à bicyclette afin de convaincre les Italiens et les Grecs des bienfaits de l’indépendance du Québec et qui, au terme de sa vie, confessait s’y être fait beaucoup d’amis sans jamais avoir vendu une seule carte de membre du parti? Quid de l’héritage de Bernard Landry, qui lui aussi s’était donné pour mission de tendre la main aux communautés néo-québécoises?

Cette posture est non seulement révélatrice de l’ignorance du passé du Parti québécois, mais aussi – et surtout! – du déni des résultats plus que mitigés que des décennies de mains tendues ont donné. En effet, encore aujourd’hui, l’appui des quartiers ethniques montréalais pour le Parti Libéral du Québec, l’antagoniste politique du Parti Québécois, s’apparente à un vote soviétique. Hurler à des gens se bouchant les oreilles n’a jamais rien donné, à part peut-être à la longue la perte de toute la dignité du hurleur.

Jadis vaisseau amiral du projet de pays des Québécois, le PQ s’apparente désormais à un vaisseau fantôme. Beaucoup d’âmes esseulées s’y promènent, rêvant des gloires passés de leur majestueux navire, espérant la venue de jours plus lumineux. Oublieraient-ils que jamais en 40 ans leur parti n’aura réussi à réaliser ne serait-ce que le premier point de son programme politique, celui se rapportant à sa raison d’être? Cela devrait être une raison suffisante pour les stratèges, les administrateurs et les militants de cesser de regarder en arrière et d’avancer avec l’époque en ne refaisant pas les erreurs du passé. Il semble toutefois, avec le désir du « nouveau » PQ de se conformer davantage aux lubies des élites, étrangères au peuple du Québec, que cela soit remis, encore… à une prochaine fois.



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Jenny Langevin est étudiante et chroniqueuse culturelle et sociopolitique. Elle contribue à divers médias québécois, dont L'Action Nationale, la revue Argument, La Presse et le Huffington Post Québec. Elle s'intéresse particulièrement aux rapports entre l'évolution de la littérature et de la culture populaire en lien avec les enjeux sociaux contemporains.

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