Grande coalition, piège à cons?


Grande coalition, piège à cons?
Meeting de Norbert Hofer du FPÖ (Photo : SIPA.00756626_000009)
Meeting de Norbert Hofer du FPÖ qui a échoué à accéder à la présidence autrichienne de quelques bulletins seulement (Photo : SIPA.00756626_000009)

Et si, à la faveur de la crise politique actuelle, les partis de gouvernements cessaient de s’autodissoudre pour se souder ? Et si, socialistes et Républicains, au lieu de se chicaner pour des broutilles s’associaient pour un grand dessein national ? L’idée d’un grand gouvernement de coalition fait depuis longtemps rêver quelques élus des deux bords, de nombreuses salles de rédaction, la plupart des élites économiques et presque tout le haut clergé administratif. Mais, cette fois, l’ancien trublion de Nanterre, Daniel Cohn-Bendit, et le journaliste Hervé Algalarrondo (ami et auteur de la maison, E.L.) croient le moment venu[1. Et si on arrêtait les conneries, Daniel Cohn-Bendit et Hervé Algalarrondo, Fayard, 198 pages, 17 euros.].

En 2017, une majorité multicolore (rose, bleue, verte et orange) pourrait bien prendre le pouvoir. Les deux auteurs le souhaitent ardemment et ils le démontrent. L’opinion publique se lasse de voir les alternances se succéder, les politiques menées se ressembler et les tentatives de réformes échouer. La « rupture » de Sarkozy ? Du flan ! Le « changement » de Hollande ? Du bluff ! Or, si l’année prochaine Marine Le Pen arrive en tête ou même deuxième au premier tour de la présidentielle, le candidat PS ou LR vraisemblablement victorieux à l’arrivée ne pourra pas gouverner seul. Son assise électorale se révélera trop faible et sa majorité parlementaire bien fragile.

À qui la faute ? Pas à Sarkozy « l’hyperprésident » ni à Hollande « le candidat normal », mais à cet affrontement stérile entre deux camps parlementaires, si enclins à cultiver leurs antagonismes et donc à se neutraliser mutuellement. Mais si « la gauche moderne et la droite réaliste » (dixit les auteurs) unissaient leur force, les récalcitrants des deux bords – colbertistes à droite et « frondeurs » à gauche – perdraient leur pouvoir de nuisance, et la coalition pourrait aller plus avant dans les réformes. Une vraie martingale politique… sur le papier. Car les deux auteurs, si disposés à pourfendre les dogmatismes et à prêcher le pragmatisme, feraient bien de regarder les résultats réels des coalitions (droite-gauche) expérimentées en zone euro depuis la crise. Une étude réalisée par l’économiste Éric Dor, professeur à l’école de management IESEG, et publiée dans le magazine L’Expansion en mars 2015 a passé au peigne fin les performances de neuf coalitions depuis 2007. En moyenne, leur PIB recule de 0,2 % en rythme annuel, quand celui de l’ensemble des pays de la zone euro augmente de 0,2 % dans le même temps. Les coalitions en Finlande (2011-2014) et aux Pays-Bas (depuis 2012) ne font pas de merveilles économiques. Sans parler de l’expérience grecque entre 2011 et 2015. Seule l’alliance CDU-SPD en Allemagne tire vraiment son épingle du jeu, mais sous l’effet de réformes engagées bien plus tôt dans une conjoncture économique assez favorable.[access capability= »lire_inedits »]

Quant aux résultats électoraux, mieux vaut ne pas s’appesantir sur le bide de Mario Monti au scrutin de 2013 en Italie (une forme de coalition droite-gauche), sur la récente percée du FPÖ en Autriche (dirigée conjointement depuis 2008 par les sociaux-démocrates et les conservateurs) ou bien encore sur le camouflet donné en mars dernier par les Irlandais au duo proaustérité Fine Gael (centre droit) – Labour (gauche). D’ailleurs, selon un phénomène assez pervers, les électeurs tendent à sanctionner la deuxième force de la coalition, la force d’appoint de l’attelage. En Grèce, les socio-démocrates du Pasok explosèrent en vol juste après leur alliance avec la droite d’Antonis Samaras ; en Irlande, le Labour vient de payer le plus lourd tribut aux dernières élections. Coalition, piège à c… ?[/access]

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Mai 2016 #35

Article extrait du Magazine Causeur



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est journaliste, auteur de "Gouvernement de coalition : une fausse solution", "Le Débat", n° 188, janvier 2016, Gallimard.

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