Accueil Culture « Le Club des Cinq arrête le gluten »: la bibliothèque rose, c’est encore mieux maintenant!

« Le Club des Cinq arrête le gluten »: la bibliothèque rose, c’est encore mieux maintenant!

Les cinq compères ont grandi, et ils ont bien fait


« Le Club des Cinq arrête le gluten »: la bibliothèque rose, c’est encore mieux maintenant!
"Le club des cinq", un film de Mike Marzuk.

Tout fout le camp, même l’enfance. Le Club des cinq, saga inventée par Enid Blyton, traduite en quarante langues et vendue à des millions d’exemplaires, a grandi. Les voilà qui pouponnent et se mettent au régime sans gluten!


La déconne est un nouvel art de vivre. Partout dans notre pays, la parodie a remplacé la réalité. Le vrai et le faux sont de vieux concepts réservés aux déontologues à la dérive et aux journalistes en manque de sujets. Les tenants de l’objectivité font peine à voir ou à entendre ces derniers mois. Ils se cramponnent derrière leurs chartes, leurs textes et leurs prébendes comme des morfalous. Ils n’ont décidément rien compris à la mondialisation qui a fait sauter tous les verrous de la décence et du no-sense. Aldo Maccione et Philippe Clair ont gagné la bataille des idées. Plus faux que moi tu meurs ! Mr. Bean a réglé son compte au sérieux de la gouvernance. Le spectacle a envahi notre paysage. La gaudriole est la future parabole de l’existence. L’approximation comique semble être notre horizon politique. Inutile de fuir ou de lutter, c’est notre Destinée. Les masques sont tombés. Les vérités du jour sont versatiles et notre humeur badine rejette tout en bloc. Plus rien n’a d’importance, en fait. Plus personne ne croit en rien. Les référents, les institutions ou les totems ont du mou dans la gâchette. « Tous les hommes sont des bouffons. Des bouffons sanguinaires, mais des bouffons quand même », comme l’écrivait Albert Cossery dans Un complot de saltimbanques.

Les enfants de Houellebecq et Cioran

Cette inexorable dérision s’attaque même à la bibliothèque rose layette. Elle ose fracasser les rêves des enfants sur l’autel de la blague. Prenez le gentil Club des Cinq, Claude, François, Mick, Annie et Dagobert à l’âge des crédits impayés juste avant leur première coloscopie et vous aurez une littérature corrosive des plus réjouissantes. Ces enfants de Houellebecq et de Cioran ne s’aventurent plus sur la lande déserte, ils arrêtent le gluten, pouponnent ou partent en séminaire. Trois volumes viennent de ressortir à destination d’une génération Y déjà largement déprimée par l’ineptie de son époque. Génial coup marketing d’Hachette de relancer cette série jadis politiquement correcte en une version déconstructiviste et potache. Il y a donc encore de l’intelligence maligne et de la provoc calibrée dans certaines maisons d’édition. La saga inventée par Enid Blyton, traduite en quarante langues et vendue à des millions d’exemplaires s’adapte parfaitement à notre ère du ricanement et de l’évitement. On s’amuse des conversations de ces cinq-là, jeunes adultes face au progressisme ambiant.

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Quand Annie, éternelle optimiste, expose sa théorie sur « le bien-être, la naturopathie, le régime macrobiotique, les superaliments, la pleine conscience, l’équilibre, la mise à l’écart des émotions négatives et le développement personnel à travers la franchise et l’humilité », le lecteur lui emboîte le pas, avec le sourire aux lèvres. Hachette tient un filon savoureux. Toutes nos modes grotesques, nos addictions puériles et nos peurs incontrôlées sont dans le viseur de l’auteur anglais Bruno Vincent. Le Club des Cinq n’a pas échappé à l’ubérisation de la société et à la meetification des sentiments. Pendant qu’Annie prépare des spaghettis de courgettes, Mick regarde Stade 2 en replay, Dagobert lèche l’écran de télé et François se réfugie dans les podcasts d’Alain Finkielkraut.

Un mix entre Fillon et Bernard Menez

Le charme opère par le ton employé et aussi, avouons-le, par un effet nostalgique. Les couvertures vintages de Ruth Palmer, les illustrations intérieures délicieusement rétro, le format cartonné et les courts chapitres agissent comme les vignettes Panini du championnat de France de football 1983. Un révélateur de notre profonde vacuité. François, réac débonnaire, mix entre Fillon et Bernard Menez, est impayable surtout lorsqu’il emmène son équipe en séminaire. « Il y avait le fait qu’il méprisait tous ces exercices de cohésion de groupe : il était fondamentalement opposé à l’idée même de team building. Il détestait la manière dont les ateliers étaient menés, leur évaluation lui semblait pour le moins douteuse et les résultats la plupart du temps improductifs », résume l’auteur sur l’état d’esprit du cadre dynamique lessivé. Le cousin Paul, arriviste notoire, margoulin par essence, tantôt spécialiste en import-export ou en véganisme condense, avec maestria, toute la morgue bien-pensante du XXIe siècle. Un régal à offrir à votre supérieur ou à toutes les autorités autoproclamées !

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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