Au-delà de la vive émotion et des polémiques suscitées par la mort brutale de Clément Méric, cet événement tragique nous a fait découvrir le petit monde des militants des extrêmes – à gauche comme à droite -, notamment la micro-culture qu’ils ont développée. Les médias ont rapidement noté un détail particulièrement intéressant : l’attachement de ces jeunes à certains codes vestimentaires, à travers leur commun engouement pour la marque Fred Perry. Sorti de la sphère étroite des amateurs du logo à lauriers, redskins, skins, hipsters du Marais ou jeunes hommes branchés, beaucoup s’étonnent que les deux extrêmes prisent la même marque. Ce fait suggère qu’au-delà des clivages idéologiques et de l’animosité mutuelle, une rivalité mimétique unit ces deux groupes issus de la même contre-culture.
Mais un point ne cesse de surprendre l’observateur : comment se fait-il qu’un militant anticapitaliste d’extrême gauche se révèle être une simple « fashion victime » comme n’importe quel ado beaucoup moins politisé que lui ?
S’agissant des groupuscules de la mouvance « skinhead », peu réputés pour leur bagage intellectuel, on comprend plus aisément que l’adhésion à une culture consumériste fasse partie de leur noyau identitaire. Comme l’explique le politologue Jean-Yves Camus, fin connaisseur de l’extrême droite, les petits groupuscules de skinheads se structurent autour de la violence, bien davantage qu’au nom d’une quelconque idéologie. Ces jeunes, souvent paumés, trouvent une famille de substitution dans le groupe, un peu comme certains adhèrent à la culture des gangs après une longue déshérence.
Au contraire, à l’ultragauche, bien que la psychologie et la violence jouent aussi dans l’engagement des jeunes, la culture politique s’ancre bien plus sur l’idéologie. En ce sens, Clément Méric est le parfait exemple du petit-bourgeois féru de critique sociale : ce fils de professeurs d’université avait été admis à Sciences Po après ses excellents résultats au baccalauréat. De l’avis unanime de ceux qui l’ont connu, le jeune Clément affichait un bagage culturel impressionnant. Certes, comme ses camarades « chasseurs de skins », il savait aussi faire preuve d’un goût prononcé pour l’action et il ne reculait pas devant la bagarre, comme le prouvent les images de son altercation avec le service d’ordre de la Manif pour Tous. Malgré les airs de dur qu’il essayait de se donner, le foulard sur la bouche, on imagine facilement Méric parler d’« alliances objectives » et dénoncer avec brio le hiatus entre « discours et positionnement dans le système de production », comme ses aînés « révos », « autonomes » ou « maos ». Tout cela pour mourir après une vente privée. Triste dénouement.
*Photo : capture d’écran du documentaire « Antifas, chasseurs de skins ».
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