Une exposition itinérante de photos signées Claudia Masciave a pris place en divers points de Bordeaux pour tenter de répondre à la question: comment l’art peut-il permettre aux femmes de se réapproprier leur image?
L’art est-il en train de s’uniformiser au nom des grands courants idéologiques contemporains que sont, notamment, l’écologie et le néoféminisme ? On serait tenté de le croire au vu des innombrables expositions qui accordent toute leur attention aux questions environnementales et sociétales, comme si l’art était irrémédiablement soumis à l’air du temps, sans possibilité de faire un pas de côté pour regarder le monde autrement qu’avec les lunettes de la doxa dominante. L’exposition itinérante proposée à Bordeaux par L’Agence Créative en est une illustration assez édifiante. Ses objectifs – mais depuis quand une œuvre d’art doit-elle avoir des « objectifs » ? – sont d’ailleurs on ne peut plus clairs : « Lutter pour l’égalité femmes-hommes, contre les discriminations et les stéréotypes véhiculés dans l’espace public à travers l’art et la publicité. »
Insatiable et « subversive » Claudia Masciave
Pour cette opération s’inscrivant dans deux quartiers prioritaires que sont Saint-Michel et le Grand-Parc, le fameux « vivre ensemble », notion de plus en plus poreuse et inconsistante, y est naturellement convoqué pour « respecter le droit culturel des personnes et favoriser la mixité sociale et culturelle ». Dans cette vision revendicatrice et politique de l’art, celui-ci n’est plus perçu comme le creuset de la complexité humaine, mais devient une simple illustration de mots d’ordre répétés à satiété, où il s’agit de prôner une sorte de communautarisme idyllique, pacifié, et où tout effort d’adhésion à la culture française serait perçu comme une violence insupportable à l’endroit des populations d’origine immigrée : « Développer des projets dans les quartiers prioritaires ne consiste pas à « apporter de la culture », mais à permettre à la diversité des cultures de se rencontrer et à chaque personne d’élargir ses propres libertés culturelles dans un dialogue », précise ainsi la commissaire d’exposition, Nadia Russell Kissoon.
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Que nous propose donc Claudia Masciave, photographe d’origine brésilienne vivant à Grenoble et autoproclamée « artiste féministe engagée » ? Une série d’autoportraits intitulée « À la recherche de l’objet perdu » et ayant l’ambition de devenir « un outil d’engagement et de réappropriation de l’image des femmes ». Présentée comme « insatiable et subversive », la jeune femme de 34 ans se livrerait à d’incessantes recherches autodidactes en philosophie, psychologie et sociologie en étant obsédée par « le réel, la vérité et l’absolu ». Diantre ! Voilà qui a de quoi intimider…
Sublimer ses complexes
Concrètement, les œuvres visibles témoignent d’une mise en scène permanente de sa propre image. Sur un fond uniforme aux teintes plutôt pastel, l’artiste vomit une sorte de large ruban jaune (« Dégoût »), écarte les pans de sa robe bustier dans le geste d’une super-héroïne, pour se décorseter et montrer qui elle est vraiment (« Désir »), se tient la gorge ou se peinturlure un cocard, minerve en renfort (« Femme battue »), comme si elle venait de subir les coups de son compagnon. Troubles de l’alimentation causés par les normes esthétiques en vigueur, codes vestimentaires remis en question, présence en creux toujours menaçante de l’homme, voilà certains axes du travail on ne peut plus novateur de Masciave, qui, nous dit-on, « utilise son art comme thérapie pour sublimer ses complexes ».
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L’artiste a beau citer Goya, Munch ou Van Gogh comme des références inspirantes pour « aborder la douleur d’exister », on serait bien en peine de trouver là une profonde originalité qui renouvellerait notre regard sur l’image de la femme en ce début de troisième millénaire !
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